Il y a de ces crépitements dans l’air. Ce sont comme des décharges qui se font entendre à intervalles irréguliers. L’émotion est palpable. Des étincelles dans la bouche. C’est cette même sensation que lorsqu’un orage approche, étendant ses ombres et sa colère sur les terres frémissantes. Pourtant, aussi loin que porte le regard, on ne voit pas le moindre nuage. Il n’y a que les étoiles qui brillent de cet éclat froid d’automne. La lune n’est pas encore levée. Ou déjà couchée. Elle n’existe plus. Elle n’est nulle part. Seule la Nuit est, constellée de points de lumière. De l’autre côté de l’estuaire, une chape de brume couvre l’horizon. On ne fait que distinguer les villes d’en face éclairées qu’elles sont par les lumières artificielles, blanches et rouges.
Le froid a tout recouvert. Dans la lande, le bruissement des bruyères a quelque chose de gelé. Le chemin semble halluciné, comme un rêve à chaque fois renouvelé et pourtant toujours identique. Des vapeurs glissent mollement sur le sol avant de s’élever dans les airs. Les souffles humains s’exhalent en volutes grisées. Le froid alourdit les sons. Pourtant, chaque voix est comme un poignard zébrant le silence glacé. Lire la suite
Die Lupe
Depuis la fenêtre de ma cuisine, j’observe le théâtre de la rue. Les personnages vont et viennent sans que je sache pourquoi. Pour la plupart, ils ne font que passer. Quelques-uns s’arrêtent à l’arrêt du bus pour embarquer dans cette cage de tôle à deux étages dont le rythme est à peine plus rapide que celui des piétons. Il y a ces étudiants qui prennent leur petit-déjeuner sur le pouce à la cabine rouge du coin du parc. Il y a ces hommes et ces femmes impeccables qui descendent de leur voiture, nourrissent l’horodateur et s’en vont travailler. Il y a aussi des clochards qui ne déjeunent pas, qui fument et qui parlent entre eux, sans se soucier un seul instant de faire l’aumône.
Les rayons obliques du soleil d’octobre ne parviennent plus à réchauffer les passants qui se recouvrent d’une ou deux couches supplémentaires de vêtements. Ils ne prennent plus le temps de flâner. Il est déjà loin, le temps où ils marchaient sans but, juste pour le plaisir de prendre l’air. Le temps des vacances est maintenant fini. Les musiques se sont tues et les touristes sont rentrés chez eux. Édimbourg est redevenue une cité de pierres. Malgré tout, son cœur bat toujours. Il ne s’arrête jamais. Il continue de cogner, comme l’hiver cogne à nos portes. Lire la suite
Et vient le temps du silence !
Je me souviens du temps où j’ai été mort. Monté au ciel. Sans petites ailes ridicules et sans halo pâlichon. Juste avec ma pensée débarrassée de sa vieille carlingue. Je ne sais plus pourquoi mon corps m’avait abandonné, mais, le connaissant, ses raisons devaient être excellentes.
Devant moi, il y avait quelqu’un, ni Dieu ni Satan, ni ange ni démon, ni quoi que ce soit de ce genre-là. Une sorte d’immense miroir concave dont le point focal était l’univers.
– Ainsi donc, voici le Paradis, énonçai-je pour moi-même.
– Ce n’est pas le Paradis, répondit une voix. Il n’existe ni paradis ni enfer. Il n’y a que ceci : le jugement.
– Le Jugement Dernier ?
– Si on veut… Mais nulle trompette ne résonne. Aucun mort ne se relève. En cet instant commun à tous, en ce lieu où tout se retrouve, il n’y a que le dernier jugement.
– Et qui est le juge ?
– Chacun est son propre juge, défait de toute considération matérielle. Plus aucune justification ne compte : seules les conclusions comptent. Lire la suite
Brève bruxelloise
Il est seize heure cinquante-trois, au carrefour du Parc de Bruxelles. À gauche, des voitures attendent. À droite, des voitures attendent. En face, des voitures attendent. Et derrière, des voitures attendent. Un peu partout, des piétons marchent en évitant les ombres froides du printemps. Des rires et des cris éclatent : le bruit de la vie. Lire la suite
De motu
Vous l’aurez deviné, j’aime à parler du changement. Je me plais à penser que tout est changement et que rien n’est changement. C’est une notion qui, comme bien d’autres, existe sans exister. Il en va de même du mouvement : pour le percevoir, il faut s’en défaire. Pour se rendre compte du changement de tout ce qui nous entoure, il faut prendre de la distance. Faisant partie d’un processus, je ne dispose pas de l’objectivité nécessaire à sa perception.
Malgré tout, on peut arriver à percevoir des changements qui s’opèrent à une vitesse différente de la nôtre. On peut aussi choisir des repères qui changent particulièrement lentement. Pour se donner une idée et se rendre compte des forces qui agissent. Lire la suite
Histoire avant l’heure : L’essor du financement participatif
Nous avons vu comment, dès le milieu des années nonante pour les premiers, l’internet s’est popularisé pour entrer dans de nombreux foyers. Souvenez-vous que durant les années deux-mille les réseaux sociaux s’étaient développés en masse. Nous avons montré également que ces différentes plateformes n’influençaient en rien la façon dont le réseau de connaissance pouvait s’étendre, mais qu’elles permettaient de renforcer les liens entre les membres d’un même réseau. Ils permettaient aussi d’augmenter de beaucoup l’audience des blogueurs et se faisaient le relais de l’information, plus rapide et parfois bien plus efficace que la télévision et la radiophonie. Lire la suite
Cet hiver deux-mille-treize
Ce n’est pas la couleur
Qui oscille entre l’or pâle et le bleu froid.
C’est la teinte
Que prend la blancheur virginale,
C’est la brume qui se soulève,
Qui jaillit doucement, exhalée par les collines,
C’est le contraste du noir sur le blanc,
C’est ce paysage qui sort du néant
Des brumes épaisses,
C’est ce soleil éteint et sans chaleur,
C’est l’air glacé d’un mois de janvier
Qui touche à sa fin et que février
Fera vite oublier.
C’est cette sourde lourdeur qui ralentit tout,
C’est la lente chute d’un flocon depuis les nues.
C’est l’enfance à portée de main
Et ses combats pilenivéens.
C’est l’air de Bruxelles qui m’est plus respirable.
C’est la vue de toutes ces merveilles
Que ne figera aucune photo
Et qui resteront gravées en moi pendant longtemps.
C’est un rude hiver qui n’a même pas commencé
Et qui finit déjà.