Lettre ouverte

« La recherche de connaissance,
la circulation de la connaissance
et l’acte de copie
sont sacrés. »

Très cher ami,

Ceci est vraisemblablement mon dernier courrier avant longtemps.
Comme tu le sais, la vie a été très dure pour moi, ces temps-ci. Mais je n’ai pas été le seul à souffrir de cette situation intolérable et pourtant tolérée. Je t’avais dit que je ne me cacherais pas. Après avoir vécu ma foi au grand jour, comme beaucoup d’autres, j’ai perdu mon travail il y a quelques mois. Tu as sans doute entendu que tout poste de la fonction publique nous était désormais interdit. Mon travail de fonctionnaire est donc devenu incompatible avec mes opinions religieuses. Ils ne se rendent pas compte que les persécutions que nous subissons nous ramènent aux temps les plus obscurs de l’histoire occidentale. Lire la suite

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C’est le printemps (that springs!)

Ça y est, c’est le printemps. Ça devait bien arriver un jour. C’est le printemps et, face à ce fait accompli, on peut avoir de nombreuses réactions : certains s’émerveillent, comme si c’était la première fois que ça arrivait, ce renouveau miraculeux (et c’est vrai, d’une certaine façon : le printemps que l’on vit n’est jamais le même que tous les précédents, dépendant de tellement de paramètres que celui-ci est véritablement unique), d’autres encore se sentent d’humeur primesautière et sifflent avec les oiseaux. Il y en a, ceux qui sont un brin plus désabusés, qui se moquent quelque peu des sus-mentionnés. Il y a ceux qui bossent et qui n’ont pas de temps à perdre avec ces conneries, s’il vous plaît – ce sont les mêmes qui, quand il neige, ne voient pas le manteau de nacre sur la terre mais pensent au fait qu’ils arriveront en retard au boulot. Il y aussi ceux qui savent pourquoi les abeilles meurent un peu partout. Ceux-là, ils profitent d’autant plus de ce printemps qu’ils ont peur que ce soit un des derniers que l’on ait à vivre. Lire la suite

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Récit

Fin.

Ces lettres s’éternisèrent sur la paroi de l’œil et disparurent alors que le livre se refermait. À l’intérieur, on savoura. Une réflexion intense fit fonctionner l’imagination à plein régime. Mais, doucement, un scintillement remplit le fond des yeux, tandis qu’un sourire se dessinait sur le visage tranquille. Les meilleurs moments repassaient au ralenti, en gros plan, à répétition, selon son bon vouloir. Plus précis qu’un film, plus savoureux qu’un récit, la beauté de la lecture avait happé et mobilisé toute la concentration du lecteur. Il savoura longtemps sans être dérangé par le monde extérieur. Lire la suite

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Dom Juan ou le festin de pierre

Le Dom Juan de Molière est une pièce étrange. Fascinante, même. Une comédie déguisée en satire. Ou peut-être une satire déguisée en comédie. Une œuvre fantastique avant l’heure par certains côtés. On côtoie tout le long de la pièce l’au-delà, les spectres et les revenants. À côté de ce va-et-vient entre monde des vivants et monde des morts, les escapades de Dom Juan peuvent paraître fades, mais ce sont ces péripéties qui feront toute la pièce.
L’intrigue est donc simple au possible. En Sicile, Dom Juan, incroyant et impie de surcroît, fuit Done Elvire qu’il a séduite et qui le lasse. Dans sa fuite, il rencontre une série de personnages et bouleverse le monde sur son chemin. Deux paysannes qu’il séduit sans difficulté, un mendiant qu’il tente comme un satan en guenilles et qu’il force à jurer pour un louis d’or, deux frères d’Elvire qui cherchent à le tuer et un des deux que Dom Juan sauve, une statue énigmatique d’un commandeur récemment tué, un père qui voudrait le voir revenir dans le droit chemin, un créancier qui aimerait être payé et un Sganarelle qui paie souvent pour les écarts de son maître. Tel est en vrac le contenu de Dom Juan, un irrévérencieux imbroglio qui tourne tout en dérision, même la mort. On comprend que cette pièce ait fait tiquer la critique à l’époque. Il n’y a rien de condamnable, si ce n’est Dom Juan qui tourne tout en dérision (l’amour, la mort, Dieu). Pourtant, il est puni pour ses crimes. Le génie de Molière intervient à cet instant, puisque le public ne peut s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour ce mécréant et en vient presque à prendre son parti. Lire la suite

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