Car

« Je pense donc je suis. »
Cogito ergo sequor.

Penser. Penser les couleurs. Penser l’ambiance. Penser le moment. Penser le lieu. Tout penser.
Pour dépenser. De l’argent. Le bel argent. Le doux argent. L’argent immaculé. Du métal contre plus de métal. Ce n’est que du temps solidifié. On en perd pour mieux en gagner.
Il s’agit ici de compenser. Ce vide que l’on creuse pour le mieux reboucher. La vie, ce n’est qu’une série de compensations. L’équilibre n’est jamais atteint. À tout moment, tout peut basculer. Tout le monde ne peut pas être heureux partout en même temps.
Vient le temps de surcompenser. Si un peu d’argent rend heureux, que fait beaucoup d’argent ? L’esprit ne se contente plus du nécessaire. Il lui faut plus : le superflu. Ce qui ne sert à rien est luxueux. Le luxe, c’est la vitrine sur le monde. Le trop-plein est signe de réussite. Les défauts de la pratique sont cachés par mille scintillements.
Toujours être récompensé. Pas de la façon qu’on croit. Par le jugement. Non le jugement divin, intemporel. Le jugement humain, historique. Celui qui donnera la réponse à la question. Cela valait-il la peine de détruire ciel, terre et mer pour un confort tout relatif ?
L’argent, dispensé. Les conseils, dispensés. Les soins, dispensés. L’inutile, évacué. L’égoïsme, oublié. Les idées, matérialisées.
Repensé, le système.

Suivre. Ne plus être. Suivre.
Poursuivre la mode, le temps qui passe, chercher à donner un sens. Consommer. Se jeter à corps perdu dans la société et demander grâce aux nouveaux dieux que nous avons créés à leur image. Des bouches pour avaler. Des gueules béantes.
Suivant l’humeur du siècle, se vêtir d’ors ou de diamants. Laisser les parures réfléchir. C’est un miroir déformant au travers duquel rien n’est laid. Humainement, c’est mourir. Socialement, c’est naître. Faire la lumière dans la nuit. Voir les ténèbres en plein jour.
Exécuter les ordres, ceux qui viennent de nulle part, qui viennent de partout, qui viennent de l’intérieur-même de cet être absurde et autonome qui habite en chacun. Exécuter les opposants à cette doctrine de la Vie. Et tant pis pour la vie si elle ne fait pas partie de cette doctrine. On la supprimera, au nom de la Vie.
Persécuter ceux qui vivent en dehors du monde. Le monde. Le seul qui existe. Celui hors duquel plus rien n’existe. Ils sont l’autre. Ils sont les parias. Pis qu’en bas. Hors. Et lorsqu’il n’y a plus d’ennemi, se poignarder ce ventre qui a toujours faim, qui veut du sang et de l’or. S’attaquer à cet intérieur si plein, puisque l’extérieur est devenu si vide.
Seconde après seconde, éternité après éternité, laisser passer le temps, jusqu’à la fin.
Ensuite ? Plus rien.

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Motus

Ceux qui me connaissent savent que je ne prête pas facilement le flanc à la fiction. Je suis plutôt du genre terre-à-terre. La réalité est ainsi faite qu’elle est rude pour tous. Vouloir l’éviter est au mieux inutile, au pire absurde. Toujours est-il que ces mots griffonnés au dos de deux billets de train datés pour le premier du dix-huit décembre et pour le second du quatorze octobre m’interpellent. Je les ai trouvé dans la poche d’un manteau acheté d’occasion. L’histoire qui y est contée peut très certainement être fausse. Il n’empêche qu’un petit morceau de conscience en moi y croit. Cette histoire m’obsède à tel point qu’il s’agit plutôt ici de la purger de ma mémoire que de la partager. Je vous les retranscris avec toute la rigueur qui me caractérise. Lire la suite

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Maux Doux

Il y a des signes qui ne trompent pas. Les jours raccourcissent. Les feuilles tombent aux arbres. Les corps se couvrent de couches innombrables de vêtements et imaginent mille autres choses pour se réchauffer. Les peaux disparaissent à la vue et l’on n’aperçoit plus qu’à peine une paire d’yeux coincée entre le bord d’un bonnet et les plis d’une écharpe. Les paroles s’échappent en nuages évanescents.
Le froid belge est particulier. En plus de tout ce que j’ai pu ressentir lors de quelques voyages, il y a ce vent que notre paysage sinueux freine si peu. Il rend les choses plus acérées et donne une saveur particulière à l’air que l’on respire. Les larmes en viennent aux yeux. Et il y a aussi cette humidité qui s’infiltre jusqu’aux os en gorgeant les cœurs. Il y a des épices rares qui appellent au voyage. Et pour ceux qui ne peuvent pas partir, il reste toujours les plaisirs que procurent un lit recouvert de couches épaisses de tissus. Et pour ceux qui ont le malheur de se lever tôt, il ne reste plus qu’à attendre le printemps qu’ils vivront alors comme une délivrance. Lire la suite

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Naufrages

Il fait nuit. Il fait nuit et je ne parviens pas à dormir. La fraîcheur de l’obscurité ne me dérange pourtant pas. Mes os sont devenus plus froids que la nuit. La faim n’y est pour rien non plus. Mon estomac a pris l’habitude d’être vide. Je ne fais plus attention à ses grognements depuis longtemps déjà. La soif n’en est pas la cause non plus. Les flaques d’eau croupies et les fruits au jus amer l’étanchent plus que l’eau de mer. Les bruits du vent et des bêtes sauvages ne me font pas frémir. Le vent n’attaque pas les morts. Les bêtes n’attaquent pas le marbre. Ma peau a la consistance de la pierre, une pierre veinée et creusée de sillons profonds. J’ai frôlé tant de fois la mort qu’elle garde maintenant un doigt sur moi, prête à me ramener à Dieu en tout instant. Lire la suite

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Ochlophobie, ou le mal du citoyen

Dans quelques poignées d’heures, nous, Belges, allons voter. Pour des amis, pour des gens en qui nous avons plus ou moins confiance, pour des inconnus dont les idées nous plaisent. Nous allons parfois voter contre quelqu’un qui a déplu. Certains refuseront de voter et choisiront une des faibles alternatives que le système propose. Mais dans la majorité, les gens vont se déplacer pour essayer de faire bouger les choses dans le sens qui leur semble le plus important. Il s’agit ici du niveau de la pyramide politique le plus bas : on touche au quotidien. Lire la suite

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Quel combat ?

Pourquoi choisir entre le bien-être des uns et celui des autres ? C’est une question que je me pose depuis longtemps, moi citoyen. Il y a quelque chose d’absurde dans ce choix que l’on nous propose.

Au départ, la distinction politique se faisait entre progressistes et conservateurs. Les uns étaient plus portés sur la réforme, les autres sur la conservation de l’état tel qu’il était. Avec la révolution industrielle, la distinction s’est faite entre socialistes et libéraux, respectivement à gauche et à droite dans l’hémicycle. Aujourd’hui, en Belgique et dans d’autres pays, on peut avoir l’impression que gauche et droite ne forment plus qu’un vaste centre mou. Les décisions se prennent comme on prend le thé. Seuls des événements marquants réussissent encore à faire bouger les choses. Pas toujours durablement. Pas toujours pour le bien du peuple. Lire la suite

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Lunaire Doviginte

La bille bleue et blanche dans le ciel a disparu. Il n’y a plus que le soleil. Le soleil et moi. Le soleil, le silence et moi. Et moi, je suis perdu dans le silence, ébloui par le soleil. Je ne bouge plus. Je reste immobile. Je ne fais qu’écouter. Sans but. Écouter le silence de mes pensées. Leur morsure est plus froide que celle du soleil. Leur venin mortel comme la vie. Ma tête résonne de ce fracas intérieur, perdu dans le silence. Déjà, il n’y a plus que moi. Je suis seul dans l’univers. La lumière du soleil tombe droit sur moi. Elle vibre un peu, dans le silence. Et moi, je pourrais presque la toucher, comme je me suis déjà saisi du silence. Il glisse entre mes doigts. Je le laisse tomber à terre et ruisseler. Il cascade doucement et remplit les mers fossiles. Il se gonfle au soleil et m’enveloppe tout entier. Je me couche à terre et je le laisse me recouvrir. Je connais cette douce brûlure du sommeil. Il ne vient jamais me chercher, ne fait que me tourner autour. Pourtant, j’aimerais l’inviter : « Viens donc, toi qui tiens dans le creux de ta main tous les hommes, qu’ils soient riches ou pauvres, faibles ou forts, vieux ou jeunes. » mais je sais qu’il ne m’écouterait pas. Il sera celui qui régnera lorsque tout aura disparu. C’est un prince orgueilleux et patient.
Je m’arrache de son emprise, je quitte son empire. Je dois m’éloigner du silence. Je dois m’exiler loin du soleil. Je dois retrouver mon identité qui se trouve au-delà de tout ce que je connais. Disparaître dans les tréfonds de mes pensées. Devenir immobile comme les roches qui forment le paysage. Ne plus bouger. Se plonger dans un perpétuel présent. Ne plus vivre ni mourir. Juste exister. Je sais que cela m’est encore impossible. Alors, je rampe jusqu’à la pénombre. Je m’enfonce dans l’obscurité salvatrice. Je rejoins l’autre face, celle où plus rien ne me touche. Seule existe encore l’immensité de l’espace. Couché au sol, je la contemple sans ciller. Le monde vacille. Je suis le seul à encore exister, dans le vacarme de mes pensées. Je me noie dans des réflexions ininterrompues. C’est ici que se trouvent ces mers qui se rejoignent mais ne se mélangent pas.

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