Ceux qui me connaissent savent que je ne prête pas facilement le flanc à la fiction. Je suis plutôt du genre terre-à-terre. La réalité est ainsi faite qu’elle est rude pour tous. Vouloir l’éviter est au mieux inutile, au pire absurde. Toujours est-il que ces mots griffonnés au dos de deux billets de train datés pour le premier du dix-huit décembre et pour le second du quatorze octobre m’interpellent. Je les ai trouvé dans la poche d’un manteau acheté d’occasion. L’histoire qui y est contée peut très certainement être fausse. Il n’empêche qu’un petit morceau de conscience en moi y croit. Cette histoire m’obsède à tel point qu’il s’agit plutôt ici de la purger de ma mémoire que de la partager. Je vous les retranscris avec toute la rigueur qui me caractérise. Lire la suite
Prose diverse
Parfois, les mots se suivent sans suite narrative. Il arrive néanmoins qu’ils participent d’une histoire plus vaste : la mienne, que je ne suis pas sûr de comprendre moi-même pleinement.
Maux Doux
Il y a des signes qui ne trompent pas. Les jours raccourcissent. Les feuilles tombent aux arbres. Les corps se couvrent de couches innombrables de vêtements et imaginent mille autres choses pour se réchauffer. Les peaux disparaissent à la vue et l’on n’aperçoit plus qu’à peine une paire d’yeux coincée entre le bord d’un bonnet et les plis d’une écharpe. Les paroles s’échappent en nuages évanescents.
Le froid belge est particulier. En plus de tout ce que j’ai pu ressentir lors de quelques voyages, il y a ce vent que notre paysage sinueux freine si peu. Il rend les choses plus acérées et donne une saveur particulière à l’air que l’on respire. Les larmes en viennent aux yeux. Et il y a aussi cette humidité qui s’infiltre jusqu’aux os en gorgeant les cœurs. Il y a des épices rares qui appellent au voyage. Et pour ceux qui ne peuvent pas partir, il reste toujours les plaisirs que procurent un lit recouvert de couches épaisses de tissus. Et pour ceux qui ont le malheur de se lever tôt, il ne reste plus qu’à attendre le printemps qu’ils vivront alors comme une délivrance. Lire la suite
Naufrages
Il fait nuit. Il fait nuit et je ne parviens pas à dormir. La fraîcheur de l’obscurité ne me dérange pourtant pas. Mes os sont devenus plus froids que la nuit. La faim n’y est pour rien non plus. Mon estomac a pris l’habitude d’être vide. Je ne fais plus attention à ses grognements depuis longtemps déjà. La soif n’en est pas la cause non plus. Les flaques d’eau croupies et les fruits au jus amer l’étanchent plus que l’eau de mer. Les bruits du vent et des bêtes sauvages ne me font pas frémir. Le vent n’attaque pas les morts. Les bêtes n’attaquent pas le marbre. Ma peau a la consistance de la pierre, une pierre veinée et creusée de sillons profonds. J’ai frôlé tant de fois la mort qu’elle garde maintenant un doigt sur moi, prête à me ramener à Dieu en tout instant. Lire la suite
Prélude
Il y a la terre. Il y a la mer. Là où les deux se rejoignent, il y a le vent. Un vent d’une force terrible, à en arracher les rochers. La plage est grise. La mer est grise. Le ciel est gris. Le paysage forme un bloc compact. Sur une petite route de campagne, deux hommes sont habillés de gris, mêlés au décor. Le premier est à cheval. Le second suit à pied. Le cheval est gris. Le cavalier porte une épée à la ceinture. Dans le jour qui décline, le tableau qu’ils dessinent semble monochrome. Le soleil se trouve derrière des remparts de nuages épais. Les couleurs ont déserté ce monde. Il n’existe plus qu’une infinité de teintes de gris. Lire la suite
Hérétique
Il faut comprendre l’autre.
Je pourrais expliquer pourquoi la tolérance et pourquoi la compréhension, mais ceux qui n’ont pas compris ne comprendront jamais. Pas avec des mots, en tout cas.
Je ne suis pas le seul être humain sur cette terre. Je ne suis pas le seul à penser. D’autres pensent, parfois mieux que moi. Quand je parle, je ne dis rien de nouveau. Il y a eu des milliers d’hommes qui ont formulé mes paroles avec plus ou moins de justesse, avec plus ou moins de génie. J’ai néanmoins envie de le dire avec mes mots. Lire la suite
Primum gaudeamus
La lumière commence à mourir.
Prenons un temps pour nous recueillir.
Il m’arrive d’être parfois profondément pessimiste quant à notre avenir, à nous qui sommes nés entre les années quatre-vingt et l’an deux-mille. J’ai l’impression de faire partie d’un monde de crise, qu’elle soit économique, écologique, sociale ou humaine. Je me rassure en me disant que chaque jeune génération a plus ou moins pensé ça de son époque, mais ça n’est pas suffisant. Ça doit être un trait de la jeunesse, de croire que le monde va mal et qu’il faut le changer. Peut-être une volonté de ne pas vieillir et de se rassurer en se disant qu’on n’aura pas le temps d’avoir soixante ans, puisque tout sera fini d’ici là. Entre espoir et désespoir, juste histoire de pouvoir penser à autre chose qu’à l’avenir lointain. Lire la suite
Brèves scatologiques
Que se passe-t-il quand la question posée est « qu’écririez-vous sur les murs de toilettes publiques » ? Un déferlement d’imagination.