La Source Imbue (deuxième partie)

Sous les épaisses frondaisons, dans cette forêt sombre où ne perçaient aucun rayon, tous les sons et bruits étaient en même temps étouffés et amplifiés. Dans la lumière d’ambre, le frémissement de branches dérangées par un animal en fuite prenait des allures d’armée en campagne. Le plus petit chant d’oiseau devenait un murmure angoissant.
Cela faisait des heures que le chevalier avait quitté la maison du vieux seigneur. Peut-être même des jours. Le temps lui-même s’alentissait, comme pris dans la sève. L’horizon était barré de multitudes d’arbres. Le monde se résumait désormais à des verticales. Pour Od, habitué aux grandes étendues, c’était autant de barreaux à la fenêtre de son regard.
C’était une forêt ancienne ; pas un de ces bosquets que l’on trouve de nos jours dans nos régions. Inconsciemment, on comprenait que l’être humain n’avait pas ici son mot à dire. Tout échappait ici à la compréhension : s’il existait un ordre, il n’obéissait à aucune loi connue. Lire la suite

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La Source Imbue (première partie)

Les chevaliers sont des êtres hybrides évoluant dans un monde ambigü.
Il est admis que les aventures de chevaliers se déroulent dans un espace et dans un temps qui ne concernent qu’eux. Ils vivent encore aujourd’hui entre les pages qui les renferment en elles. Ils vivront sans doute encore bien après les lecteurs d’aujourd’hui. Ils vivent tous sous le règne d’Arthur, roi mythique dont on ne sait ni s’il a été vivant ni s’il est mort. À la frontière de la vie et de la mort, mais aussi entre réalité et fiction, leurs exploits appartiennent à la réalité autant qu’au merveilleux. En cela, il y a effectivement une magie qui accompagne les faits de chevalerie.
Cette magie appartient elle-même à plusieurs mondes, entre christianisme et paganisme. Et pour cause : souvent la matière païenne pré-existante a été récupérée par de grands auteurs de religion chrétienne. Ce métissage de cultures forme une trame incohérente et complexe. Parce qu’ils appartiennent au monde de la fiction, leurs histoires sont multiples. La vie d’un chevalier n’appartient pas à l’auteur de ses aventures. Elle appartient au lecteur qui en fera ce qu’il voudra.
Autre magie des récits de chevalerie. Il existe autant de récits que de lecteurs. Et tous sont différents. Et tous sont vrais, parce que la fiction s’affranchit de bien des règles qui régissent la réalité. Réalité qui est parfois bien plus fragile qu’on ne le pense.

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Prélude

Il y a la terre. Il y a la mer. Là où les deux se rejoignent, il y a le vent. Un vent d’une force terrible, à en arracher les rochers. La plage est grise. La mer est grise. Le ciel est gris. Le paysage forme un bloc compact. Sur une petite route de campagne, deux hommes sont habillés de gris, mêlés au décor. Le premier est à cheval. Le second suit à pied. Le cheval est gris. Le cavalier porte une épée à la ceinture. Dans le jour qui décline, le tableau qu’ils dessinent semble monochrome. Le soleil se trouve derrière des remparts de nuages épais. Les couleurs ont déserté ce monde. Il n’existe plus qu’une infinité de teintes de gris. Lire la suite

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