Dans les yeux du soleil

CC-BY-SA Petar Milošević

A woman’s eye – CC-BY-SA Petar Milošević

Dans la fraîche chaleur du printemps, Bruxelles frissonne. Ses rues frémissent dans la brise avrillée. Les chemises se décollettent, révélant des vallées que l’hiver avait oubliées. Les robes longues et légères aux allures estivales claquent au vent. Tous les corps se tournent vers le soleil, cherchant à se gorger de lumière. Dehors, les gens se parent de couleurs vives, sans doute afin d’amener plus vite à eux le mois de juillet, qui est encore si loin d’eux.

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Tristan

Ce jour-là, Tristan s’était une nouvelle fois exilé afin d’oublier Iseut, celle qu’il aimait malgré lui. Il était dans une retraite secrète, loin des femmes qui, toutes, lui rappelaient par certains aspects celle qui lui manquait tant. Il regardait la nuit, et ses étoiles qui brillaient sans discontinuer depuis qu’il était né et qui brilleraient encore lorsque son nom ne serait plus prononcé par aucune voix. Ses yeux accoutumés à l’obscurité se posèrent sur l’âtre à côté de lui.
Sa vision se remplit de lumière. Ces flammes qui dansaient, tellement brillantes, le renvoyaient devant la dame de son cœur, sans qu’elle ne soit là. Il croyait pouvoir sentir son odeur de cannelle et de camphre. Il croyait pouvoir la serrer dans ses bras et joindre ses lèvres aux siennes. Il croyait pouvoir entendre son rire, doux comme le chant des oiseaux qu’on entend que là-bas, où le soleil brille plus longtemps et plus fort qu’en nos contrées. Il essaya de se jeter sur elle mais ne put y parvenir. Ce qu’il avait pris pour l’étincelle de son regard, ce n’était que le feu qui brûlait en face de lui, dont les flammes dansaient sans le réchauffer.

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Passion d’été

– Où j’en suis ? Eh bien, comment dire… Lui ? Non, non, c’est fini, ça. Faut dire que cette histoire-là s’est terminée aussi vite qu’elle a commencé. J’avais juste envie de me changer les idées. Maintenant, je suis passée à tout à fait autre chose. Quelque chose de solide. Oui, il est beaucoup plus épais. Faut dire que le dernier était fin comme tout. C’est bien simple : j’avais parfois l’impression de pouvoir voir au travers. J’avais presque honte de sortir avec lui dans la rue.

« Mais avec celui-ci, oh ! je voyage. Il arrive vraiment à me faire rêver. La dernière fois, dans le métro, j’en ai presque oublié de descendre à mon arrêt, tellement j’étais absorbée. Hors du temps, quoi. Il m’absorbe. Puis, celui-là, j’aime particulièrement l’avoir contre moi pour m’endormir. Il est vraiment apaisant. Je reste penchée sur lui tant que je peux, puis, quand je sens mes yeux se fermer malgré moi, je m’abandonne au sommeil et retombe sur lui.

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Dans les nues

Ghlin. Tandis que glisse la pluie glacée sur les flâneurs du matin, un homme s’englue dans la boue à quelques kilomètres de toute maison.. Enveloppé dans de trop nombreuses couches de vêtements, il peine sur le chemin de terre, pieds nus. Rythmant sa marche, une bourse qu’on ne devine qu’à peine tinte à chaque pas. Sous sa capuche, on devine plus qu’on ne la voit une peau hâlée. Le front est barré de cheveux noirs trempés, retombant en paquets devant des yeux tout aussi noirs. Perdu dans les brumes exhalées par une bouche large aux lèvres plates, son nez épaté renifle fréquemment.
L’homme regarde à gauche puis regarde à droite. Il aperçoit au loin la route qu’il va devoir suivre pour parvenir jusqu’à sa destination. Il se remet en marche. C’est pour lui la première fois qu’il peut observer cette campagne wallonne de ses propres yeux. Ni la boue ni la pluie ne le font déchanter. Ces étendues de terres le laissent ébahi. Parvenu sur une route goudronnée parcourue de trous maintenant remplis d’eau, il s’émerveille face au spectacle des arbres qui dansent derrière le rideau aquatique.
En Belgique, même la pluie finit par s’arrêter de tomber. Le ciel a versé de dernières gouttes discrètes. Le voyageur se défait de sa capuche et pousse un soupir de soulagement. Il sort une carte qu’il tenait jusque là sous son manteau. Il observe les environs et cherche des repères. Après quelques instants, sa mine soucieuse s’illumine. Lire la suite

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Sonnet des amours

Une alchimie complexe est à l’œuvre en moi-même.
Je sens que mon âme se serre par à-coups,
Devenant carillon qui sonne de grands coups.
En un mot comme en cent, je peux le dire : j’aime.

On a déjà tout dit sur ce sujet connu.
Je ne parlerai pas de ces amours banales
Qui gonflent les livres de trames anormales.
Moi, je leur préfère les sentiments diffus.

Ceux-là qui explosent sans faire de bruits,
Ceux qui un jour naissent, mûrissent comme un fruit
Et ne meurent jamais, renaissant sur leurs croix.

Mon amour est ainsi : un soleil impossible
Dont les rayons touchent des dizaines de cibles.
La plus proche a chaud, les autres n’ont pas froid.

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