Solstice

Le jour se lève mollement sur la ville déjà réveillée. Il coule dans les rues de la cité où se presse déjà une foule fourmillante d’enfants coincés dans des carapaces d’adultes, en beaux habits de travail. Ils pensent faire tourner le monde. Le monde, lui, s’en balance. Il tourne et tournera toujours, même lorsque, en un battement d’ère, tous auront disparu. Et c’est dans l’indifférence mutuelle des hères humains et du monde que la lumière froide pleut sur la ville.

Dans un parc perdu, un homme est assis sur un banc, immobile au milieu des grappes mouvantes de travailleurs. Lui, il a regardé le soleil se lever entre deux tours de verre, par-delà la ligne hachée de l’horizon. Il a fixé l’astre perçant dans la brume du matin. Par la seule force de son regard, la sphère incandescente s’est dressée dans le ciel. Elle est sortie de la nuit pour tout éclairer. De sa chaleur, elle a fait fondre la fine pellicule de givre qu’avait écrite la nuit. Une nouvelle page se tourne à mesure que le jour avance.

Entre l’orbe pâle et la paire d’yeux, un lien se crée, qui lie l’un à l’autre, comme un câble invisible et pourtant incroyablement solide. Ainsi tirée, le navire de lumière glisse dans l’azur. L’homme n’est pas le seul à l’appeler à lui. D’autres font le même travail, le tractant également à eux. Il en va de même dans d’autres villes, dans d’autres régions, dans d’autres pays. Plus à l’Ouest, déjà des volontés se réveillent et scrutent la ligne d’horizon et attirent de leurs vœux le soleil hiémal.

Et à force d’attraper la lueur de leurs regards, ils la tirent vers eux et la font aller plus haut dans le ciel et la font rester plus longtemps dans les cieux. Le soleil est comme ralenti par la puissance de ces esprits héliotropes.

Et plus il ralentit, ce soleil, plus les regards se tournent vers lui. Et ainsi, par effet boule de neige, le soleil réchauffe le cœur de l’hiver et apporte de nouveau une lumière bienvenue sur nos têtes.

L’hiver commence et, déjà, il termine. Les jours s’étirent et sortent de leur torpeur. Le solstice est plein des promesses du printemps.

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Les Autres

Je suis seul, entouré de cette multitude de gens qui ne sont pas moi. Tous ces Autres me sidèrent. Ils sont plus que les étoiles dans mon ciel de cité lumineuse. Et comme les astres, j’aime Les regarder, Les observer. Les admirer. De loin. Souvent, en essayant d’être discret. Parfois, sans me cacher. Tout dépend de combien Ils m’effraient. Il y a du beau dans tout ce qu’Ils font. Ils éveillent en moi un émerveillement sans cesse renouvelé. Parfois, il m’arrive de ne pas pouvoir m’empêcher de soupirer d’aise devant les actions en apparence insignifiantes qu’Ils entreprennent. Comme si on m’avait pincé le cœur. J’espère toujours que personne ne prend mes soupirs pour une forme de moquerie. À tous Ceux que j’ai un jour pu vexer, je demande pardon. C’est simplement l’expression de mon éblouissement : une moue incontrôlée, des yeux qui pétillent, une mèche de cheveux rejetée en arrière, une main portée à la bouche, un bâillement contenu, un pas de travers, un clignement d’œil, et cætera. Ces petits riens sont autant de touches délicates au tableau qui se peint constamment dans ma tête. Lire la suite

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