Lunaire Undécan

Ce monde autour de lui seul il se l’est construit
Il marche dans ses rues et dans ses avenues
Il se retrouve enfin sur des petits chemins
Il s’amuse parfois à penser tout détruire
Les tréfonds cérébraux sont colline et vallée
Qu’il aime à découvrir et à escalader
Une fois tout en haut il redescend à pied
Aperçoit des idées empilées en montagne
Ce soir c’est pleine lune il ne veut pas penser
Demain il fera jour et il réfléchira

Il ferme les yeux : blanc. Il les réouvre : noir.

C’est simple comme tout quand tombe du ciel l’imbre
Tout s’éclaircit en soi quand on peut y pleurer
Une chaleur nouvelle amène quelques rires
Et la vie refleurit en bouquets de soleils
Tous ces mots ce ne sont pas de la poésie
Juste quelques phrases murmurées à la brise
Qui peut-être enfleront en de grandes tempêtes
Et deviendront alors quelques morceaux de prose
Sous la lumière pâle il siffle doucement
Bientôt dans la nuit noire il ne chantera plus

Il marche, larme à droite, en passant l’arme à gauche.

Tant pis pour lui s’il meurt il a trop bien vécu
Souvent assis coincé entre des quatre murs
Et parfois prisonnier perdu dans les prairies
Tant mieux pour lui s’il vit il aime bien trop ça
Il y a des bruits dehors il ne peut pas dormir
Il se retourne encore et encore et encore
Puis il ne bouge plus immobile tranquille
Il s’endort sans un bruit oubliant le tumulte
Sous la lune un chœur vit quand l’univers inspire
Il y a son cœur qui bat l’univers qui respire

Il se sent revivre, puis encore mourir.

Il rumine tout seul prisonnier de sa cage
Balayée par des vents qui ne cessent jamais
Il ne respire plus il arrête son souffle
Les murs se lézardent puis s’écroulent sur lui
Il entend du Mozart et son doux requiem
La machine tremble pendant quelques secondes
Ne tremble plus du tout pendant bien des minutes
C’est maintenant Chopin et sa marche funèbre
Elle est à son zénith l’orbe d’argent brillant
Il serre sa poitrine et meurt d’avoir pensé

C’était le dernier homme. Il n’est pas vraiment mort.

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Lunaire None

Je suis perdu. Je suis perdu et j’erre.
J’ai enfin fui la vile et ses lumières.
Je ne parvenais plus à respirer :
Lors d’orages, j’ai hurlé ma colère,
Et ma rage surpassa le tonnerre,
Mêlant larmes et pluie pour exploser.

J’ai recherché l’ailleurs, y ai trouvé
D’autres paysages qui font rêver.
J’avais besoin de goûter un autre air.
J’ai empli mes poumons. J’ai respiré
Les montagnes vertes, le ciel d’été.
J’avais besoin de sentir d’autres terres.

Loin du cirque qui fait le quotidien,
Dans un cirque, je me suis senti bien.
Entouré de roches, je me sens mieux.
Je constate qu’à moi il ne parvient
Ni pollution lumineuse, ni rien.
Déjà j’oublie les néons des faux dieux.

Je me couche dans l’eau, devenant vieux.
Les yeux mi-clos, je vois des arquencieux,
Tableaux rêvés, mirages rimbaldiens.
Tout près du rivage, dans ce beau lieu,
J’observe, en nage, le bleu des cieux,
Des nuages, ballet aérien.

Je suis parti. Bientôt, je reviendrai.
Je reviendrai en forme et reposé.
Je me gorge encore de l’air du temps,
Je regarde de splendides couchers
Dont les rayons enflamment les vallées.
À travers la forêt souffle le vent.

Je me couche dans l’herbe en observant
Le spectacle du soir sur le ponant.
Je m’envole, sombrant les yeux fermés,
La lune se lève très lentement.
Un rayon transperce mon cœur d’enfant.
Excusez-moi, amis, je prends congé.

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Lunaire Octe

Par la fenêtre ouverte, il y a le matin.
Une épaisse clarté s’insinue dans ma chambre.
Dehors, des bruits d’enfants, de moteurs et d’oiseaux.
Je me réveille enfin. Un nouveau jour commence.

Par la fenêtre ouverte, un disque d’argent plein
M’observe encore un peu. Je tire sur mes membres
Qui, un à un, craquent. Je gagne mon bureau
Et je pose mon cul. Le travail m’est souffrance.

Par la fenêtre ouverte, un orage, hautain.
Me cache la lune, crache comme en novembre.
Dans un rideau de pluie, il déverse son eau
Qui tombe sur les toits, percute le silence.

Par la fenêtre ouverte, un tissu de satin,
Ouvrage arachnéen, tremble, ploie et se cambre.
Les fils de soie retiennent la lumière d’en haut,
Ne laissant plus passer que le soleil, immense.

Par la fenêtre ouverte, une cloche m’atteint :
Il est déjà bien tard. Tout seul, je me remembre
Quelques événements, des actes et des mots,
Quand soudain je revois le globe de faïence.

Par la fenêtre ouverte, un zéphyr me parvient,
Je tourne en rond, j’attends. Je suis dans l’antichambre
Et je me prépare tant que je peux, sans trop.
Souvent je m’arrête, je me lève et m’élance.

La fenêtre se ferme et la lune s’éteint
Tandis que s’allument les salons et les chambres.
Les heures vont sur moi en me courbant le dos.
Devant mes yeux tremblants, le monde entier danse.

La fenêtre est fermée dès que la nuit me vient.
Ce n’est pas aujourd’hui que je saisirai l’ambre
Qui flotte dans les cieux. Je passe mon temps … oh !
À presque rien faire. Parfois, c’est vrai, je pense.

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Lunaire Septe

Il y a quelque chose en moi qui réagit
À la lourdeur du temps, à ce ciel nébuleux,
Au soleil, à la pluie qui tombe sur le sol,
Nettoyant l’air vicié, et puis qui s’évapore.

Quand je lève les yeux vers l’astre de la nuit,
Je réfléchis longtemps. Parfois, je suis heureux :
La musique du vent me retient par le col,
La chaleur entre en moi, me réchauffe le corps.

D’autres fois, revêtu de ma mélancolie,
Je pense trop longtemps. Jeune, je me sens vieux,
Comme si le monde détruisait ses idoles.
Je me couche dans l’herbe, et j’oublie, et je dors.

Je me couche dans l’herbe et puis je m’assoupis.
Une goutte tombe juste entre mes deux yeux ;
Je tends les bras en croix, j’écoute la nuit folle
Qui, sertie d’étoiles, chante et murmure encore.

J’erre dans la ville, guidé par mon envie,
Toujours un peu perdu sous le gris de ces cieux.
On fête le pays : l’armée et le pétrole,
Le travail, le progrès et ce beau dieu qu’est l’or.

Je sens quelques chose, comme un fruit blet, pourri.
Le citoyen, muet, abandonne son feu,
Pour celui du poste qui rend sa tête molle.
Il regarde l’écran, son esprit, lui, est mort.

Ces vers inutiles sont jetés sans un bruit
Se perdant dans la toile, oubliés d’ici peu.
J’ai écrit quelques mots – c’est ce qui me console –
J’ai donné mon avis sans trop pleurer sur mon sort.

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Lunaire Sixte

J’observe tout tremblant le spectacle lunaire.
Je n’entends plus la ville et ce bruit obsédant,
Puis j’essaie d’oublier le jour des lampadaires.
Je plonge tout entier vers l’astre couleur sang.

Dans le ciel, la dame s’est défait de son voile,
Sa tenue de lumière et d’argent ciselé.
Elle a montré sa chair en laissant aux étoiles
La tâche d’éclairer toute l’humanité

Elle a un peu rougi puis a repris sa tenue.
Et dans le creux d’un arbre, elle s’est rhabillée
Sans bruit, pudiquement, honteuse d’être nue.
– Vision somptueuse pour les rêveurs raillés !

Posée sur un coussin vaporeux, un nuage,
La perle baroque s’élance dans le ciel
Et commence à danser. Est-ce l’œuvre d’un mage
S’il n’existe plus rien excepté l’essentiel ?

Complètement perdu dans ma contemplation,
J’erre à la surface de la sphère si claire.
Je trébuche et tombe lorsque je touche un mont.
Stupide, je couche dans le fond d’un cratère.

Mais l’ombre de la lune est déjà repartie.
Privée de lumière, c’est d’un éclat nouveau,
Sur les coups de minuit, qu’elle brille et scintille,
Gardant son œil qui luit sur les amis du Beau.

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Lunaire Quinte

Je ne pense plus rien. Ondoyants, ondulants,
Les tout derniers restes de la chaleur du jour
Glissent dans les désairs, poissons froids et brûlants.
Ils ont leur volonté, font d’absurdes détours.

Comme une marée d’or, l’ardent flot de lumière
Submerge mon âme, cette liqueur sucrée
Qui est, malgré son goût, l’essence prisonnière
D’un long flacon de verre, un calice sacré.

La bouteille à la mer de ce corps indolent
Dérive dans l’aube, vogue dans l’infini,
S’échoue sur la plage des rêves envoûtants,
Oublie la vie d’en bas, celle qui est finie.

Après des secondes qui sont des millénaires,
Rampant sur le sable, ce vieux corps se réveille.
Il se laisse emporter par la houle solaire,
Et s’éloigne bientôt des rives du sommeil.

Il regagne son lit, le temps reprend son cours.
Je quitte les rêves de grèves lumineuses.
Sous mes yeux, des haillons de feu et de velours
Dansent dans une aurore irréelle et gracieuse.

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Lunaire Quarte

Il n’est pourtant qu’Avril et c’est déjà l’été.
J’ôte mes godasses, je plonge mes pieds nus
Dans la fraîcheur du sol. Sans un mot, je m’en vais
Admirer les vallons de mes yeux ingénus.

Certains jours, je m’ennuie, je regarde la lune
Et je me perds en elle, oubliant mes folies.
Le scintillement d’Orion me rassure. À la brune,
J’essaie de l’attraper, cet astre qui me fuit.

Je me perds dans le ciel. Je m’y perds à jamais.
Je claudique pourtant : une petite étoile
Traine dans ma semelle. Elle y est jusqu’à mai
Et je la supporte. Puis la douleur s’étiole…

Je me tiens loin du monde, évitant les nouvelles,
Je préfère rester dans mon cocon tranquille,
Égoïsme immonde, suivre des yeux les belles,
Les siffler. Puis, pester, jurer, partir en vrille.

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