Le réveil n’a pas sonné ce matin. Le chat s’est chargé de cette mission, appuyé en cette tâche par le sans-abri qui avait trouvé refuge dans le hall de notre immeuble et qui venait rendre les couvertures que nous lui avions prêté la veille. Ainsi commence le premier jour de ce pseudo-confinement déclaré à travers tout le pays, bizarrement. On n’a pas interdit à la population de sortir, mais on lui a ôté toutes les raisons possibles de le faire. Et cela dans un but louable : protéger les personnes les plus à risque de cette pandémie qui sévit.
Je ne contesterai pas la décision. Elle est louable. Me voici donc cloîtré. Ma demeure se mue en monastère. Je n’y fais pas pénitence, loin de là, mais je me tiens prêt à méditer sur ma condition. Ce ne sera pas une ascèse : ma retraite sera joyeuse. Au moins, je n’aurai pas à attendre soixante-sept ans pour croquer dans ce fruit succulent.
Hier, j’ai fait des réserves de fiction. Les lectures seront nombreuses. Quant à la nourriture, heureusement, elle ne manquera pas de sitôt : les denrées continueront encore longtemps d’affluer dans ce pays de cocagne qui importe ses produits de partout dans le monde, quelle que soit la menace. Dès lors, quel est mon souci ? Il n’y en a aucun, puisqu’on me demande de me claquemurer, d’éviter tout contact avec mes semblables et de disparaître du monde pour au moins trois semaines.
Malgré les frimas, voici donc venir le temps de la chaume. Le chômage est technique de survie en cette période étrange de fin du monde. Les anciens se reposaient pendant les grandes chaleurs, nous avons aujourd’hui la chance de générer notre propre chaleur dans nos appartements radiatorés. Dans ma bulle de calme, le temps s’écoule mollement. La journée s’égraine en secondes qui s’éternisent, tandis que passe ce premier jour d’une liberté retrouvée. Ce soir, le repas a tourné autour de réflexions sur le cinéma. Les discussions suivaient un fil décousu, comme si aucune contrainte de temps ne nous forçait à produire des résultats.
Être payé pour rester chez soi, à lire, boire, manger, discuter, rire – bref, vivre ! –, n’est-ce pas là ce dont ont rêvé nos ancêtres ? Il aura fallu une peste mondiale pour que cela se réalise enfin, même pour un court instant. Pendant quelques semaines, nos jours auront un goût de paradis retrouvé.
Et, afin de ne rien en oublier, je compte bien en faire une chronique, au calme.