Hier, je suis sorti de ma bulle. Qu’on ne se méprenne pas : je suis resté confiné comme tous les jours depuis 18 jours déjà. Malgré tout, j’ai eu l’occasion de prendre l’air (et surtout la température) d’environnements qui m’étaient inconnus.
Plein de naïveté et de candeurs, j’ai eu envie de parler des grèves des loyers qui s’organisent beaucoup aux États-Unis d’Amérique et un peu en France. Le principe est que face aux problèmes financiers d’une partie de la population en situation précaire, il faut agir. Dans de nombreux pays, les banques ont fait savoir qu’elles gèleraient les remboursements de prêts pour les entreprises. Mais jusqu’à présent, rien n’est prévu pour les particuliers mis en difficulté financière par le confinement. Apparemment, il s’agit de régler ces problèmes au cas par cas. Le problème, on le sait, est qu’un individu ne peut rien face à une entreprise, à moins de se rassembler et de faire bloc. D’où l’idée d’une grève des loyers.
Je trouvais la démarche pertinente, surtout après avoir parcouru rapidement un thread sur la propriété immobilière lucrative, que je ne retrouve malheureusement pas pour l’heure. J’ai choisi pour cela un groupe Facebook d’entraide en temps de coronavirus, comptant quelques milliers de membres. Après un léger temps d’attente, les administrateurs du groupe on validé mon sujet. Et là, sans le savoir, je suis entré dans l’arène. De toute évidence, je n’étais pas préparé à la virulence des réactions.
Je reviendrai plus tard sur mes conclusions au sujet de la grève des loyers, mais j’avais surtout envie d’analyser quelque peu ce que j’ai pu vivre hier.
Les trois premiers messages étaient des insultes. Ils ont vite été supprimés par les administrateurs du groupe. Par la suite, j’ai fait face à un feu nourri de réactions pour la plupart violentes à l’idée que l’on puisse agir de la sorte. La plupart des intervenants pensaient surtout à une connaissance qui est pensionnée, retraitée, isolée ou autre et pour qui ce loyer qui tombe tous les mois est nécessaire à la survie. C’est oublier qu’à Bruxelles, si 50 % des propriétaires ne le sont que pour un seul logement, un peu moins de 20 % des propriétaires possèdent 50 % des logements de la ville. Après quelques fouilles, j’ai trouvé la source : un travail de Julie Charles de 2007 pour l’Institut d’encouragement de la Recherche Scientifique et de l’Innovation de Bruxelles.
Mais bref, je réserve ça pour un autre article, sans doute un peu plus complet sur la grève des loyers et une approche sans doute un brin anticapitaliste, désolé.
Bref, au final, j’aurai eu plus d’une soixantaine de commentaires à ma discussion, en deux heures. Des réactions souvent véhémentes, pour tout dire, avec beaucoup d’injonctions et de violences. Et même si cette violence a parfois été dure à gérer, j’ai tenté un maximum de répondre à toutes les interventions pertinentes. Ce fut une sorte de shitstorm, mais qui m’a permis finalement de réfléchir sur le sujet, comme si je l’avais transformé en un gigantesque brainstorming.
Ce qui m’a frappé, c’est que tant de personnes se reposent sur leur expérience toute personnelle pour se faire un avis sur le monde. Si je voulais faire une grève des loyers, c’était pour m’en prendre à des gens qu’ils connaissaient et qui avaient besoin de cet argent pour payer leur nourriture. Si je voulais faire cette grève, c’était pour voler mon propriétaire sous couvert de solidarité. Si je voulais faire cette grève, c’est parce que j’étais un salaud, un être immoral, etc. Ce sont, je suppose, les images que ceux qui m’ont répondu avaient en tête. Est-ce que mes réponses ont pu les faire réfléchir sur la façon dont ils construisaient leur raisonnement ? Je n’en sais rien. Et peut-être qu’au fond, c’est moi qui me trompe.
Pour le reste, la vie va. Elle va toujours aussi lentement, comme si les rayons du soleil de printemps n’arrivaient pas à réchauffer la vie dans nos rues engourdies par l’absence de mouvement. Pourtant, je sens bien qu’il y a quelque chose de chaud qui gronde quelque part. Ce grondement, je l’entends quand le silence se fait autour de moi.
Donnez-lui une occasion de sortir et vous verrez le geyser que nous en ferons.