Retraite OKLM
Chronique des jours de confinement à l’époque du coronavirus
Retraite OKLM #14
Comment organiser un début de résistance ? Comment continuer à défendre ses valeurs lorsque la seule façon d’atteindre le monde passe par un écran d’ordinateur ? Bien sûr, les écrans pourraient être autant de supports pour ma littérature subversive et engagée. En peu de temps, mes écrits seraient diffusés et deviendraient paroles d’évangile. Le seul problème est que je ne nourris pas ce genre de vocation messianique.
Mes textes ne sont qu’autant de bouteilles à la mer, jetées sans espoir particulier qu’ils touchent des gens. Je n’écris pas dans ce but. Avant tout, ces chroniques sont l’occasion de continuer de discuter (avec moi-même : démesure de l’égo) et d’entrainer mon écriture. Si d’autres peuvent y voir une fenêtre sur moi, tant mieux pour eux.
Quels autres façons de militer et de faire changer le monde ai-je, alors ? La diffusion de l’information sur les réseaux sociaux ? J’en fréquente quelques-uns. Celui de Zuckerberg aurait pu être parfait pour cela, mais il est dominé par des logiques profondément incompatibles avec mon modèle de pensée. L’information y est une monnaie dont la valeur est avant tout marchande. Pour sortir du cercle restreint de ceux qui partagent mon avis, il faut lutter contre toute la machinerie du monstre. Avec le risque qu’en luttant contre ses entrailles, on s’y fasse digérer.
Le souci majeur vient du fait que le seul modèle de réussite que j’ai en tête corresponde à celui de la société à laquelle je m’oppose. Il est difficile de penser le succès en d’autres termes que ceux de la célébrité, une certaine forme de star system. Je suis convaincu que nous ne changerons pas la société avec ses méthodes. Il faudrait bien du courage et de l’ingéniosité pour réussir à retourner ses armes contre elle.
La réponse se trouve autre part, mais je ne l’ai pas encore trouvée. Depuis quelques jours, j’améliore les applaudissements quotidiens en y ajoutant une dimension politique : je parle avec les voisins (que je découvre pour les premières fois, pour certains), je profite du beau mur blanc d’en face pour diffuser des messages qui viennent préciser le sens de la démarche (c’est-à-dire : militante). Peut-être que d’autres idées me viendront dans les prochains jours. Après tout, comme c’est parti, il y a des chances qu’on reste confinés jusqu’à la fin du mois d’avril…
Ça laisse le temps de penser à d’autres formes de résistance et d’action politique.
Retraite OKLM #12
Retraite OKLM #11
Retraite OKLM #10
En ces jours difficiles, je me raccroche à ce que je peux pour maintenir mon moral à flot. Je me réjouis, par exemple, de ne pas être français ou anglais. Les premiers sont désormais dirigés par un gouvernement schizophrénique, soufflant le chaud et le froid, pris en plein dans ses contradictions. Les seconds doivent subir l’égo surdimensionné d’un homme prêt à croire à ses propres mensonges plutôt qu’admettre qu’il s’est un jour trompé. Par rapport à cela, la Belgique semble bien s’en sortir. Bien sûr, notre ministre n’a pas pris toute la mesure de ce qu’allait être cette pandémie. Mais il semblerait que ce soit un trait commun à la fonction. Après tout, cette histoire a commencé avec un ministre chinois de la Santé dans le déni face à des médecins qui lançaient l’alerte d’une épidémie imminente.
Il n’existe peut-être pas de bonne réaction lorsqu’une telle catastrophe a lieu. Après tout, il s’agit ici de prendre des décisions que personne ne devrait jamais prendre : un pouvoir sur la vie et la mort de milliers de personnes. Les représentants politiques n’ont, en outre, pas plus de connaissance que tout un chacun. Il y a tellement de paramètres en jeu qu’il faut avoir étudié le sujet une vie entière afin de commencer à en comprendre quelque chose. Et même ainsi, l’expertise tient plus de l’art que de la science.
Malheureusement, il est acquis que celles et ceux qui détiennent l’autorité et le pouvoir dans nos régions doivent se vêtir de leurs plus beaux atours. Il faut qu’ils correspondent à l’idéal bourgeois du « dirigeant ». J’essaie d’éviter d’utiliser ce mot, personnellement. Je préfère le terme « représentant ». Quand je vote lors d’une élection, je ne suis pas là pour me choisir mes nouveaux maitres, mais pour trouver celui qui correspond le plus à mes valeurs. Je veux élire quelqu’un qui me représente, mais qui représente également le monde que je désire voir advenir.
Je ne suis sans doute pas le seul dans ce cas-là. Pourtant, par la magie d’une foule de paramètres complexes qui composent notre société, nous nous retrouvons avec des représentants qui ressemblent au monde dans lequel nous vivons, plutôt qu’à celui dans lequel nous voudrions vivre. Et cette société est avant toute chose basée sur la mauvaise foi, refusant de voir la réalité telle qu’elle est plutôt que de se réformer. Depuis presque deux siècles, cette grande machine ignore le coût en vie humaine de son fonctionnement, ignore ses erreurs fondamentales, persiste dans son approche pétée de l’économie, etc.
De plus, toute cette société est hiérarchisée, centrée autour de la figure de l’homme blanc en fin de vie (qui a donc forcément acquis connaissances et sagesse). C’est lui qui détient le pouvoir et l’autorité pour le faire respecter. La société libérale ressemble à un vieil homme : il a peur de l’étranger, peur de l’inconnu, peur de la jeunesse. Et il est prêt à tout pour maintenir son pouvoir. Sil faut mentir, pas de problème. S’il faut se mentir, encore moins de problème. Et si ses décisions entrainent l’ensemble de l’humanité à sa perte, qu’importe, tant que c’est lui qui dirige le navire en train de sombrer.
Le jour où nous élirons des représentants capables d’admettre leurs erreurs autrement que dans un savant calcul politique, nous serons sur la bonne voie. Ce jour-là, nous arrêterons peut-être de les voir comme des super-héros, infaillibles et indestructibles. Par là même, nous leur enlèverons cette pression qui pèse toujours sur leurs épaules, de ne jamais pouvoir échouer, de devoir sauver les apparences, quitte à sacrifier des vies.
Ce n’est pas la première fois que le système libéral échoue, depuis qu’il est aux commandes. Mais c’est la première fois qu’il échoue avec tant de fracas, sans même se l’avouer. Il git au sol, en position latérale de sécurité, et malgré tout se permet encore de donner des ordres. La situation serait comique si elle n’était pas dramatique. À force de chercher à conserver à tout prix une image de contrôle absolu, nos représentants nous prouvent qu’ils en sont au même point que nous : ils ne savent pas ce qui se passe, n’ont de contrôle sur rien, paniquent, pleurent même probablement quand ils sont seuls dans leur lit.
Ils ne valent pas mieux que nous, c’est ce que la situation nous aura prouvé. Dès lors, rien ne nous empêchera, une fois la crise passée, de mettre un point d’arrêt à cette mascarade et de proposer un nouveau modèle de société, dans lequel les représentants seraient de simples citoyens faisant de leur mieux pour prendre les meilleures décisions possibles dans un monde en mouvement incessant.
Retraite OKLM #9
J’ai la chance d’avoir peu de besoins en ce qui concerne ma vie sociale. Très jeune, j’ai appris à ne pas compter sur la présence irrégulière des autres. Je ne vais pas faire ici mon analyse psychologique, mais je pense que ça a déterminé quelques facettes importantes de mon être ; à savoir tisser des relations dont la distance n’altère en rien la puissance et une fascination pour celles et ceux qui ont en eux des fêlures. Je crois que moi et mes pairs formons ensemble un cluster de marginaux, à des degrés divers. Je n’en connais pas un seul qui soit parfaitement dissous dans la société.
C’est peut-être pour cette raison que, malgré l’horizon des événements qui n’est guère rassurant, j’ai tant confiance en l’avenir. Autour de moi gravitent des gens qui ne seront pas surpris par les soubresauts d’une société agonisante. Ils partagent des valeurs qui me sont essentielles et qui me composent, en des doses variables. Ils me sont autant de phares dans la longue nuit qui se profile.
Ne fut-ce que savoir que ces êtres humains pour la plupart étranges existent me suffit à supporter les épreuves à venir. Quels meilleurs compagnons pourrais-je espérer que des hommes et des femmes qui ne se reconnaissent pas dans le système actuel et que ce même système rejette quand il le peut. Certains souffrent encore de ce rejet, j’y vois plutôt une raison de fierté. Tous et toutes sont les germes qui donneront naissance à ce monde nouveau que j’espère voir advenir rapidement.
Même éloigné d’eux, je me sens fort, rien que de savoir qu’ils sont là. Avec leur aide, je supporterai les soubresauts de la bête agonisante. Et ensemble, nous reconstruirons un monde lorsque l’ancien aura été détruit. Et peut-être même n’attendrons-nous pas la fin de l’ancien pour construire le nouveau.
Retraite OKLM #8
Nous ne sommes pas en guerre, n’en déplaise à certains.
Nous ne sommes pas en guerre, et pourtant nous avons l’impression d’en ressentir les effets néfastes. Aucun fusil ne nous sauvera, aucun obus n’éclatera, et pourtant nous vivons au quotidien dans la peur du lendemain.