Tout le monde est touché…

J’aime particulièrement recevoir des réponses à ce que j’écris.
Il y a quelques jours, j’ai reçu d’une amie française un mail. Elle m’y disait avoir beaucoup apprécié le dernier poème que j’ai publié. Il lui avait inspiré un court texte qui n’est pas une nouvelle mais plutôt son ressenti face aux déchirures que l’on est obligé de connaître lorsque l’on vit. Après discussion, elle est d’accord pour que je le publie. Le voici, donc.

Une chaleur moite, de légères tentures qui ne masquent qu’en partie les ardents rayons du soleil aoutien, une main qui se tend, une autre qui la joint, deux corps enlacés, fiévreux, frémissants et tendus.
Puis, c’est l’apogée, tout se décontracte, l’atmosphère devient moins pesante, les corps se relâchent. La femme savoure la douce sensation du corps de son compagnon sur le sien ; cette sensation d’accomplissement total de son être lorsqu’il s’effondre sur elle après l’amour.
Moment de somnolence langoureuse. L’homme glisse sur le côté. Distraitement, les mains glissent le long du corps des amants. La jeune femme se lève, retenue un instant par un baiser fugace, auquel elle échappe vite, ne laissant que le souvenir de quelques cheveux sur les doigts qui la retiennent.
Échange de mots.
Le ton monte.

L’après-midi est bien avancée, les rayons du soleil se font plus timides à travers les tentures, l’air devient plus frais, la chaleur qui rendait moites les corps des amants s’est transformée en une tiédeur presque inconfortable.
L’homme, encore nu, se sent frissonner. Il oublie un instant sa chair de poule pour lever les yeux sur la jeune femme qui se rhabille avec hâte. Il se lève, l’attrapant au poignet et lui faisant face. Les mots fusent, aussi fort que la gifle qui brûle la joue de l’amant.
Surpris, il relâche le poignet. Il voit cette femme qu’il aime, ce corps dont il connait chaque millimètre, lui tourner le dos. Cette bouche si souvent baisée, ces lèvres si souvent mordues, prononcer des mots qui semblent être des lames acérées lancées pour lui transpercer le cœur.
Cet autre être que, plus tôt, il avait étreint avec tant de passion, de désir contenu, contrôlé, concentré en un seul but, lui prouver son amour, sans cesse. Cet être-là venait de lui claquer la porte au nez. Pourquoi ? Il n’en sait déjà plus rien.
D’un pas lent, errant, indécis, il se dirige vers la fenêtre, ouvre les tentures.
Dehors, il fait nuit.

Il allume une cigarette et contemple la ville illuminée.
Ailleurs, dans d’autres appartements, dans d’autres lieux, il y a des gens qui s’aiment, d’autres qui se déchirent, certains sont heureux, d’autres en plein vol, et il y a ceux qui, comme lui, viennent de redescendre sur terre.
Soufflant la fumée, il ne peut s’empêcher de penser que tout le monde est touché. Ceux qui n’y sont pour rien peut-être plus que les autres. Et puis, il y a partout des amis qui se déchirent, des amants qui se défont, des êtres qui s’en vont.

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