Lunaire Doviginte

La bille bleue et blanche dans le ciel a disparu. Il n’y a plus que le soleil. Le soleil et moi. Le soleil, le silence et moi. Et moi, je suis perdu dans le silence, ébloui par le soleil. Je ne bouge plus. Je reste immobile. Je ne fais qu’écouter. Sans but. Écouter le silence de mes pensées. Leur morsure est plus froide que celle du soleil. Leur venin mortel comme la vie. Ma tête résonne de ce fracas intérieur, perdu dans le silence. Déjà, il n’y a plus que moi. Je suis seul dans l’univers. La lumière du soleil tombe droit sur moi. Elle vibre un peu, dans le silence. Et moi, je pourrais presque la toucher, comme je me suis déjà saisi du silence. Il glisse entre mes doigts. Je le laisse tomber à terre et ruisseler. Il cascade doucement et remplit les mers fossiles. Il se gonfle au soleil et m’enveloppe tout entier. Je me couche à terre et je le laisse me recouvrir. Je connais cette douce brûlure du sommeil. Il ne vient jamais me chercher, ne fait que me tourner autour. Pourtant, j’aimerais l’inviter : « Viens donc, toi qui tiens dans le creux de ta main tous les hommes, qu’ils soient riches ou pauvres, faibles ou forts, vieux ou jeunes. » mais je sais qu’il ne m’écouterait pas. Il sera celui qui régnera lorsque tout aura disparu. C’est un prince orgueilleux et patient.
Je m’arrache de son emprise, je quitte son empire. Je dois m’éloigner du silence. Je dois m’exiler loin du soleil. Je dois retrouver mon identité qui se trouve au-delà de tout ce que je connais. Disparaître dans les tréfonds de mes pensées. Devenir immobile comme les roches qui forment le paysage. Ne plus bouger. Se plonger dans un perpétuel présent. Ne plus vivre ni mourir. Juste exister. Je sais que cela m’est encore impossible. Alors, je rampe jusqu’à la pénombre. Je m’enfonce dans l’obscurité salvatrice. Je rejoins l’autre face, celle où plus rien ne me touche. Seule existe encore l’immensité de l’espace. Couché au sol, je la contemple sans ciller. Le monde vacille. Je suis le seul à encore exister, dans le vacarme de mes pensées. Je me noie dans des réflexions ininterrompues. C’est ici que se trouvent ces mers qui se rejoignent mais ne se mélangent pas.

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Lunaire Viginte

La tête dans le ciel, le regard dans les étoiles. La toile de fond est percée de points de lumière. La fascination est grande face à cet infini. Un infini qui se trouve à portée d’yeux. Même un dieu se sentirait peu de chose devant ce très lent ballet stellaire. Alors un homme, sur Terre …
Dans cette immensité, il y a pourtant quelques étoiles qui sont des compagnons. Elles guident les nuits d’insomnie et de contemplation. Elles ne demandent rien d’autre que d’être regardées. En échange, elles offrent un certain réconfort. Un apaisement quasi mystique s’empare de l’homme sidéré. Comme un enfant découvrant un trésor.
Des milliards d’années de silence attendent qu’on les sollicite. Avec une patience toute cosmique, elles cherchent un regard à remplir. Elles fondent alors sur l’imprudent qui les a croisé. Leur silence est une force. S’il existe un peu de son sur Terre, il n’est que perdu dans le fracas muet de l’univers.
Je me sais petit. Et ça me rassure de savoir que dans cet azur assombri, il existe des milliers de corps plus grands que le mien. L’humilité s’impose à moi comme une évidence. Comment se sentir du pouvoir lorsqu’on se rend compte que l’on est rien ? Devant l’anneau galactique, je me sens apaisé. La chaleur du jour laisse la place à une douce fraîcheur. L’estomac digère le repas du soir. La tête en savoure le repos. On se prendrait presque à croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Rien ne bouge.

Ce soir, pourtant, ce calme est rompu fréquemment. La scrutation scrupuleuse de la voûte est récompensée. De temps en temps, une roche vient s’enflammer pour retomber en fine poussière sur la Terre. Comme chant du cygne, c’est une ligne qu’elle trace dans l’espace. Le bref embrasement ravit la vision. Un battement de paupière et tout a disparu. Seul, impossible de savoir s’il s’agissait d’un rêve de quelques secondes ou de la réalité.
Quand une passe, je ne fais aucun vœu. Je me réjouis seulement d’être ici à cet instant, savourant le spectacle. Épuré de toute superstition, elles deviennent superbes. Plus besoin de parler. J’oublie que le monde existe. Il n’existe plus qu’elles. Elles sont seules, les fugaces.

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