Il y avait ces vents : un déchaînement d’airs. L’impression de sentir sur nos pauvres corps Des mains qui emportaient loin, très loin, nos misères. On croyait entendre résonner un grand cor Soudain accompagné par des cloches d’airain Qui tintinnabulaient dans un concert étrange. Sous un soleil voilé, midi sonnait enfin ; Ce n’était pas un temps à voir voler un ange. C’était pourtant l’hiver depuis déjà longtemps, Mais l’automne restait sur nos têtes baissées, Ne voulant pas partir, s’étirant, serpentant Et nous enveloppant dans sa toison tressée De fins nuages gris piqués de feuilles mortes. Les vents nous empêchaient d’avancer, de bouger, Sifflant, soufflant cent fois en bourrasques si fortes Qu’on marchait sur place, comme dans l’escalier Roulant d’une gare sur lequel on irait À contresens, parlant de tout. De rien surtout. Tout autour s’arrêtaient les gens, tous à l’arrêt. Ils étaient tous figés. Les vents couraient partout.
Et parfois, il pleuvait des perles minuscules De bruine sans un bruit, formant des diadèmes Posés sur les cheveux de dames noctambules Errant, marchant toujours, murmurant des « je t’aime ». Celles-ci promenaient leurs admirables croupes Tout au long de trottoirs désertés par la foule Qui quittait ces appâts pour converger en troupes Vers d’autres vitrines que léchait cette houle. Le traintrain de ces gens s’est poursuivi sans cesse : Jamais de changement, ou alors bien trop lent Ou trop insignifiant pour qu’ils oublient leurs fesses Qui monopolisent toute leur attention.
En ce début d’année, rien de neuf sous le ciel. Il y avait toujours partout sur la planète Des guerres, des crimes, des riens superficiels. Un empire d’argent et son armée de dettes, Piétinaient doucement nos dernières valeurs. Loin de nos idéaux grandissait l’avenir. Son engrais, le passé, n’était pas le meilleur. Le plant déjà malade allait de mal en pire.
Puis, un parfum dans l’air s’est emparé de nous : Parfum de terre humide et de fruits mûrs croqués, De cheveux de femmes. Il a laissé un goût De voyages sans fin en hommes défroqués. Quand la lune apparut, pleine, immense et superbe, Un grand raz-de-marée vint pour nous emporter, En charriant avec lui l’humanité en gerbes D’eaux teintées de rouge. Je me suis réveillé.
Et moi, j’avais le cul posé sur une chaise, Le nez sur des feuilles et les yeux dans le vague. Le monde m’appelait tout au long de ces treize Quatrains bancals que j’ai écrits, comme une blague.