Article rédigé pour le site du Parti Pirate belge : http://lepartipirate.be/desobeissance-organisee
Il y a quelques semaines déjà, j’ai pris part à la manifestation organisée par les trois grands syndicats belges socialiste, libéral et chrétien. Nous étions plus de cent-mille ce jour-là à protester contre un gouvernement qui ne nous plait pas, pour plusieurs raisons :
- une politique d’austérité quand on sait que ce genre de mesures ne fonctionne pas, ou alors au détriment du bien-être de la population ;
- la trahison du MR qui forme une coalition avec la NVA malgré ses promesses de n’en rien faire durant les élections ;
- une sous-représentativité de la population francophone dans le gouvernement Michel, le MR ne représentant qu’une petite partie des francophones ;
- un sentiment d’injustice profond quand, pour combler les trous du budget, on préfère s’attaquer aux faibles revenus tout en faisant des cadeaux aux grosses entreprises.
Et ce ne sont là que les raisons les plus évidentes. On trouvait aussi dans cette manifestation des gens qui ne croyaient plus à l’alternance politique (si tant est qu’elle a jamais existé en Belgique), en la démocratie, en la représentation citoyenne par les élus, etc. et qui manifestaient leur désarroi.
Question de légitimité
Les médias ont surtout retenu les quelques centaines de personnes ayant commis des violences contre des biens privés et contre le personnel de la police. Moi, je préfère me souvenir d’une foule ininterrompue de personnes venus d’horizons politiques différents pour dire qu’ils ne se reconnaissaient pas dans ce gouvernement et que les solutions envisagées par celui-ci leur posaient problème.
La réponse du gouvernement, jusqu’à présent, a été le déni et le mépris. De toute évidence, il ne reconnaît pas de légitimité aux manifestants. Après tout, ceux-ci ne représentent qu’une minorité infime de la population. Pourtant, le principe fondateur de la démocratie est la protection des minorités par la majorité. Rejeter un argument simplement parce qu’il est formulé par une minorité, c’est non seulement axiomatique, mais aussi stupide.
Ce que je reproche à ce gouvernement (mais pas qu’à lui : les précédents sont coupables du même crime), et aux hommes politiques en général, c’est de nous proposer des dirigeants qui, de plus en plus souvent, sont déconnectés de la réalité qu’ils sont sensés gérer au quotidien.
Je sais bien que ces hommes et ces femmes s’entourent de tout un cabinet spécialisé, mais sérieusement : en charge de l’éducation, pour la communauté francophone, nous avons une ministre avocate de métier (Joëlle Milquet), et avant elle, en dix ans, nous avons eu une politicienne (Marie-Martine Schyns), une autre avocate (Marie-Dominique Simonet), un professeur (Christian Dupont, de 2008 à 2009), une économiste (Marie Arena) et un autre politicien (Jean-Marc Nollet). Quelle est la légitimité de ces hommes et femmes dans ce domaine, si ce n’est d’être bien placés dans leur parti ?
Résistance
Quels que soient les torts de ce gouvernement, est-ce que la confrontation directe représente le meilleur moyen de dialoguer ? Il semble que non. En instaurant un contexte de force et de violence, on pose des bases instables pour construire un débat sain. Le problème est que sans faire montre d’un peu de violence, les voix de ceux qui veulent se faire entendre ne sont pas écoutées. Que faire, dès lors ? Nous n’avons pas droit à la violence (et ne voulons pas l’utiliser), mais elle permettrait de donner de la visibilité à notre discours.
Retenus par cette logique, bon nombre d’entre nous choisissent la seule solution possible : la résistance, qu’elle soit active ou passive. On observe un peu partout dans le monde des mouvements qui vont à l’encontre de ces régimes qui méprisent ou craignent leur population. De plus en plus de personnes réfléchissent au système en place et tentent de trouver des solutions inédites. Ces solutions passent par la décroissance, par la simplicité volontaire, par le libertarianisme, par la mise en place d’un revenu de base universel, par la refonte des outils démocratiques, etc. Et ces idées voyagent. Des gens les expérimentent, les mélangent, toujours en gardant à l’esprit de trouver d’autres solutions aux problèmes posés en restant fidèles aux valeurs qui leur tiennent à cœur.
Mais tout le monde n’est pas activiste. Beaucoup de ces gens qui passent l’information, qui font bouger les choses à leur manière sont plutôt des passivistes : ils ne militent pas de façon active. Dans tous les cas, ce sont des gens qui cherchent à sortir des sentiers battus, pour porter un regard différent sur le monde.
Le Parti Pirate, un slow party
C’est ce que font également les Pirates. Avant d’être une organisation politique, c’est une association de citoyens qui remettent en cause certains dogmes politiques, étant arrivé à la conclusion que les solutions tirées de ces dogmes ne répondent plus correctement aux problèmes de la société actuelle.
Le Parti Pirate n’est pas un parti. C’est un laboratoire politique où l’on peut tout essayer, où l’on a le droit de faire des erreurs, où l’on se remet en cause. Parfois, on réinvente l’eau chaude, parfois on fait des petites découvertes révolutionnaires sans s’en rendre compte. C’est également un mouvement pragmatique qui essaie de ne pas mettre en œuvre des solutions générales à des problèmes particuliers. Presque un slow party, à ranger dans la catégorie de la slow food et du slow media.
S’il y a bien une chose que les Pirates reprennent de l’informatique, au final, c’est le principe du partage de l’information : nous sommes juste des gens qui cherchent à informer le plus de personnes possibles au sujet de ces solutions que nous pensons être intéressantes, ou qui ont au moins le mérite de proposer un modèle alternatif. Nous voulons croire qu’il est possible de changer le cours des choses comme cela, en diffusant l’information.
Et en nous rassemblant sous une même bannière, celle d’un parti, nous pouvons mieux faire entendre nos voix, et, de cette façon, toucher plus de monde. Un premier pas vers la liberté.