La porte fermée

Un cri jaillit des tréfonds d’une gorge. Un homme au visage rubicond est face à la porte fermée d’un tram. Il a les sourcils froncés, l’écume aux lèvres et l’œil presque exorbité. Son cri n’en finit pas. C’est un cri de rage mêlé de l’incompréhension la plus profonde. Il lève les bras au ciel qu’un toit cache et les abat sur la porte de toutes ses forces. Il frappe de ses poings. Il se met à battre le plexiglas et tente de faire plier les jointures sous le poids de sa colère. Le tout résiste.
On vient le calmer, s’enquérir de son état, mais il n’entend pas les autres et continue de cogner comme ce sourd qu’il est sur sa cible. Il redouble encore de violence dans une série de percussions nouvelles. Une femme lui touche l’épaule et il est parcouru d’un sursaut terrible qui la fait tressaillir. Il tourne vers elle sa défigure et elle pâlit. Il n’a plus rien d’humain, celui qu’elle essayait d’aider, ce monstre dégoulinant de sueur. On court à l’avant chercher le conducteur mais il est déjà trop tard.
L’homme tombe à genoux devant l’huis et son cri meurt en même temps que lui. Sa mâchoire reste crispée dans le masque de peau qu’il avait fabriqué devant cette porte qui représentait pour lui le summum de l’horreur. Sa tête cogne l’imperturbable porte et il roule dans le maigre escalier qui mène aux parois qu’il a criblé de coups. On presse un bouton rouge et on ouvre les battants en urgence. Son corps glisse au sol, inerte. Il n’est plus qu’un pantin désarticulé et dénué de vie. Lire la suite

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