D’abord la fatigue du corps. Les jambes lourdes. Les chevilles douloureuses. Les articulations craquent. Tout ralentit. Le souffle est court. Le cœur bat à peine. Les bras bougent peu. Les mains traînent. La bouche s’entrouvre. La mâchoire pend. Les paupières tombent. Chaque mouvement pèse. Le temps passe. Petit à petit. Seconde à seconde. Il s’étire. N’en finit plus. Il s’effondre sur lui-même. Le corps aussi, inerte. Une mécanique qui s’éteint. Le corps engourdi de sommeil.
Ensuite la fatigue de l’esprit. Des éternités plus tard. La carcasse désarticulée se raccroche à un fil. Celui de la pensée. Tout tient à ce fil. Autour, ce sont des brumes. Impalpables. Invisibles. Étouffantes. Le cerveau rend les armes. Les yeux voient trouble. La bouche balbutie. Les gestes se saccadent. Des ombres dansent. On se sent brillant. On ne l’est pas. On entend les pensées. À cause du silence. Ce silence absurde. La tête devient cathédrale. Chaque son est un fracas. Chaque lumière éblouit. Chaque idée est précieuse. Tout fait écho. On vit tout deux fois. On savoure l’instant. On ne le savoure plus. Il n’y a plus d’énergie pour. On savoure de ne plus savourer. On tient dans cet état. Parce qu’on sait qu’il doit finir.
Enfin tout s’arrête. Tout bascule. La tête se pose. Le corps se réchauffe. La chaleur vient du ventre. Elle se répand partout. Doucement. On sombre. Dans un sommeil sans rêve. Sans fin. La délivrance. Tout s’arrête. Tout s’éteint. Plus rien ne trouble le silence.
On attend de renaître sous une lune bleue.