Ce soir, comme tous les soirs, le ciel bruxellois flamboie. Encore une fois, comme le dit Brel, le rouge et le noir s’épousent. Cet incendie sans feu en annonce d’autres, plus concrets ceux-là. Déjà des secousses perturbent l’ordre social à Anderlecht, alors que la répression policière s’abat sur les populations les plus pauvres. La pression est plus forte dans ces quartiers qui se trouvent l’ombre du croissant pauvre de Bruxelles. Cette colère, ce n’est qu’un prémisse d’une rage plus sourde qui risque d’éclater dès que nous pourrons l’exprimer.
Un peu partout, je vois fleurir des mots d’ordre en réponse aux « tout ira bien » et aux « merci » : « on n’oublie rien », « lorsque tout redémarre, on arrête tout », « grève générale lors de la fin du confinement ». Il est probable que j’espère un peu trop. Pourtant, j’ai l’impression que nous sommes nombreux à serrer les dents et à garder nos reproches pour plus tard. Nous avions cru pouvoir vivre à côté de cette société oppressive, dans l’ombre et les marges qu’on nous laissait. Ce que cette pandémie révèle, ce sont les failles d’un système qui crachotait depuis des années déjà. Et quand le capitalisme s’enrhume, ce sont les pauvres qui toussent.
Le constat est là : la société a échoué à se réformer. Ne nous reste-t-il alors que la révolution ? Si c’est le cas, nous ferons nôtres les couleurs du crépuscule lors de ce grand soir : le rouge pour la colère et le noir pour le deuil. Ce seront les deux émotions qui nous domineront, en mémoire des travailleurs et travailleuses sacrifiées sur l’autel de la consommation ainsi que de nos vieux et de nos vieilles mortes dans la solitude.
Vous qui présidez à nos destinées, sachez que nous n’oublions pas où se porta votre intérêt lorsque nous étions privés de nos libertés. Nous nous rappellerons que vous avez préféré vos profits à notre santé, que vous avez voulu sauver l’économie plutôt que la population qui la faisait tourner. Votre échec est patent et nous serons là pour vous le reprocher.