Comment organiser un début de résistance ? Comment continuer à défendre ses valeurs lorsque la seule façon d’atteindre le monde passe par un écran d’ordinateur ? Bien sûr, les écrans pourraient être autant de supports pour ma littérature subversive et engagée. En peu de temps, mes écrits seraient diffusés et deviendraient paroles d’évangile. Le seul problème est que je ne nourris pas ce genre de vocation messianique.
Mes textes ne sont qu’autant de bouteilles à la mer, jetées sans espoir particulier qu’ils touchent des gens. Je n’écris pas dans ce but. Avant tout, ces chroniques sont l’occasion de continuer de discuter (avec moi-même : démesure de l’égo) et d’entrainer mon écriture. Si d’autres peuvent y voir une fenêtre sur moi, tant mieux pour eux.
Quels autres façons de militer et de faire changer le monde ai-je, alors ? La diffusion de l’information sur les réseaux sociaux ? J’en fréquente quelques-uns. Celui de Zuckerberg aurait pu être parfait pour cela, mais il est dominé par des logiques profondément incompatibles avec mon modèle de pensée. L’information y est une monnaie dont la valeur est avant tout marchande. Pour sortir du cercle restreint de ceux qui partagent mon avis, il faut lutter contre toute la machinerie du monstre. Avec le risque qu’en luttant contre ses entrailles, on s’y fasse digérer.
Le souci majeur vient du fait que le seul modèle de réussite que j’ai en tête corresponde à celui de la société à laquelle je m’oppose. Il est difficile de penser le succès en d’autres termes que ceux de la célébrité, une certaine forme de star system. Je suis convaincu que nous ne changerons pas la société avec ses méthodes. Il faudrait bien du courage et de l’ingéniosité pour réussir à retourner ses armes contre elle.
La réponse se trouve autre part, mais je ne l’ai pas encore trouvée. Depuis quelques jours, j’améliore les applaudissements quotidiens en y ajoutant une dimension politique : je parle avec les voisins (que je découvre pour les premières fois, pour certains), je profite du beau mur blanc d’en face pour diffuser des messages qui viennent préciser le sens de la démarche (c’est-à-dire : militante). Peut-être que d’autres idées me viendront dans les prochains jours. Après tout, comme c’est parti, il y a des chances qu’on reste confinés jusqu’à la fin du mois d’avril…
Ça laisse le temps de penser à d’autres formes de résistance et d’action politique.