Du haut de la lune, je pose mon regard
Sur tout, éberlué par ce monde nouveau.
L’air me semble si pur, les eaux tellement claires
Depuis là-haut : c’est fou, mais tout me paraît beau.
Comment donc comprendre cet immense bazard ?
De mon satellite, moi, j’observe ces eux.
Tous, ils sont étranges. Ils déambulent toujours
D’un point à un autre. Parfois, ils désespèrent,
Arrêtent de chercher, se tournent vers le jour
Mais n’y voient rien du tout. Pourtant, ils sont heureux.
Tombé de la lune, je vadrouille au hasard :
J’hume mille parfums. Je vois bien des tableaux :
Des pays éclairés par des tas de lumières !
Le monde va, superbe, en novembre : il fait chaud.
Le soleil s’étire derrière la nuit noire
En fines draperies s’étendant dans les cieux.
Mais, petit à petit, les jours se font plus courts,
Les rayons obliquent dans l’épaisse atmosphère
Et ne réchauffent plus mon corps qui se fait lourd.
Le froid se fait mordant et fait pleurer mes yeux.
Marchant sous la lune, sur les grands boulevards,
Je vais dans la ville. J’avance sans un mot
Le long des façades aux vitres lucifères.
J’ai froid, faim et sommeil. Tout s’éteint face aux maux
Que je traîne avec moi. Dans cette vie bizarre,
Je ne reconnais rien, comprends pas les enjeux :
Ce que j’imagine prend un tout autre tour
Lorsqu’il est confronté à ces faits délétères.
Je m’enferme tout seul. En fait, je deviens sourd
Et aveugle et muet. J’oublie tout de mes vœux.
Regrettant leurs lunes, tous errent dans les bars
Dans la ville bruyante, offrant leurs idéaux
Qui se noient dans l’alcool cognant contre le verre.
Sous la lune brillante, ils tordent leurs cerveaux.
Au matin, à huit heure, ils vident sans retard
En plus de la boisson tout ce qu’ils ont en eux.
J’essaie de faire pareil et parler sans détour
Mais je réfléchis trop. Des pensées étrangères
S’emparent de ma tête et en font un labour,
Gravant d’affreux sillons. Je m’enfuis où je peux.
Les arbres résonnent de centaines de chants
Tandis qu’épuisé, je repose dans ce champ.
Et quand la grande orbe sort, disparaît du monde,
Il ne reste plus rien alors que je vous pleure :
Je quitte cette vie superbe tant qu’immonde.
Et mon corps trop maigre refroidit, becqueté
Sans un bruit, sans un son dans la nuit. Je me meurs
Sous la lune pleine comme un soleil glacé.