Naufrages

Il fait nuit. Il fait nuit et je ne parviens pas à dormir. La fraîcheur de l’obscurité ne me dérange pourtant pas. Mes os sont devenus plus froids que la nuit. La faim n’y est pour rien non plus. Mon estomac a pris l’habitude d’être vide. Je ne fais plus attention à ses grognements depuis longtemps déjà. La soif n’en est pas la cause non plus. Les flaques d’eau croupies et les fruits au jus amer l’étanchent plus que l’eau de mer. Les bruits du vent et des bêtes sauvages ne me font pas frémir. Le vent n’attaque pas les morts. Les bêtes n’attaquent pas le marbre. Ma peau a la consistance de la pierre, une pierre veinée et creusée de sillons profonds. J’ai frôlé tant de fois la mort qu’elle garde maintenant un doigt sur moi, prête à me ramener à Dieu en tout instant. Lire la suite

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Des idées

Les idées n’appartiennent à personne.
Ce serait faire preuve d’un orgueil démesuré que de penser le contraire. Après tout, une idée, ce n’est qu’un rien insaisissable. Juste le résultat de la lente macération des expériences, des sentiments, des influences et d’autres choses qui font ce que chacun est. On n’est jamais le seul à avoir l’idée que l’on croit unique et qui effleure les hémisphères. On ne fait que puiser dans le pot commun des connaissances et si on peut donner, c’est seulement parce qu’on a reçu.
La création ne naît pas de nulle part. Mettre au jour une œuvre personnelle, c’est chercher à mettre en contact une part de soi – une partie de son être – avec celle d’autres. Et c’est par un phénomène de résonance que les choses avancent. Lire la suite

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Désormais, plus rien ne sera à l’image de demain

Voici une nouvelle contribution. Elle est l’œuvre d’un ami et camarade de cours, Laurent Louis-De Wandeleer. Je lui ai proposé d’écrire sur un thème laissé libre. En est sorti un texte qui est dans l’air du temps. Oui, face à ce qui se passe dans le monde entier, on est tenté de croire que le monde tourne en boucle comme un disque rayé. On aime croire que nous nous trouvons à la fin d’une Antiquité et qu’un nouveau Moyen âge est à nos portes. Laurent cite Nietzsche, peut-être parce que sa théorie de l’Éternel Retour a cela de rassurant que malgré le chaos qui semble en découler, on espère y découvrir une vérité suprême. Toujours est-il que pour qui connait un tant soit peu l’histoire, il y a de quoi donner le vertige quand on voit que tout a tendance à se répéter. Une seule consolation : chez l’Homme, tout ce qui se fait se défait, avec le temps.
J’arrête de monopoliser la parole et je vous laisse lire ce billet qui n’est pas de moi : Lire la suite

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Tout le monde est touché…

J’aime particulièrement recevoir des réponses à ce que j’écris.
Il y a quelques jours, j’ai reçu d’une amie française un mail. Elle m’y disait avoir beaucoup apprécié le dernier poème que j’ai publié. Il lui avait inspiré un court texte qui n’est pas une nouvelle mais plutôt son ressenti face aux déchirures que l’on est obligé de connaître lorsque l’on vit. Après discussion, elle est d’accord pour que je le publie. Le voici, donc. Lire la suite

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C’est le printemps (that springs!)

Ça y est, c’est le printemps. Ça devait bien arriver un jour. C’est le printemps et, face à ce fait accompli, on peut avoir de nombreuses réactions : certains s’émerveillent, comme si c’était la première fois que ça arrivait, ce renouveau miraculeux (et c’est vrai, d’une certaine façon : le printemps que l’on vit n’est jamais le même que tous les précédents, dépendant de tellement de paramètres que celui-ci est véritablement unique), d’autres encore se sentent d’humeur primesautière et sifflent avec les oiseaux. Il y en a, ceux qui sont un brin plus désabusés, qui se moquent quelque peu des sus-mentionnés. Il y a ceux qui bossent et qui n’ont pas de temps à perdre avec ces conneries, s’il vous plaît – ce sont les mêmes qui, quand il neige, ne voient pas le manteau de nacre sur la terre mais pensent au fait qu’ils arriveront en retard au boulot. Il y aussi ceux qui savent pourquoi les abeilles meurent un peu partout. Ceux-là, ils profitent d’autant plus de ce printemps qu’ils ont peur que ce soit un des derniers que l’on ait à vivre. Lire la suite

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Récit

Fin.

Ces lettres s’éternisèrent sur la paroi de l’œil et disparurent alors que le livre se refermait. À l’intérieur, on savoura. Une réflexion intense fit fonctionner l’imagination à plein régime. Mais, doucement, un scintillement remplit le fond des yeux, tandis qu’un sourire se dessinait sur le visage tranquille. Les meilleurs moments repassaient au ralenti, en gros plan, à répétition, selon son bon vouloir. Plus précis qu’un film, plus savoureux qu’un récit, la beauté de la lecture avait happé et mobilisé toute la concentration du lecteur. Il savoura longtemps sans être dérangé par le monde extérieur. Lire la suite

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