Limbes

Ce n’est déjà plus l’automne. Ce n’est pas encore l’hiver. Les jours raccourcissent pour ne plus être que de courtes périodes de temps entre deux nuits.
Je marchais dans les rues d’Édimbourg, toutes ceintes de pierre grise. Le vent s’engouffrait en sifflant entre les murs de la cité écossaise. J’avais remonté le col de mon manteau jusques à mes oreilles pour mieux me protéger de la tourmente. Mon dos était voûté. Tout mon corps se penchait en avant, luttant de son trop maigre poids pour continuer sur sa lancée, sans savoir où il allait. Il y avait longtemps que j’avais perdu mon chemin, jugeant comme à mon habitude que c’était le plus sûr moyen de trouver une raison de s’émerveiller. « Le voyage est plus important que la destination » me remémorai-je, et « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » ou encore « les surprises n’arrivent qu’aux vivants ».
Mais étais-je alors encore vivant ? Je n’en étais plus très sûr. Lire la suite

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Cet hiver deux-mille-treize

Ce n’est pas la couleur
Qui oscille entre l’or pâle et le bleu froid.
C’est la teinte
Que prend la blancheur virginale,
C’est la brume qui se soulève,
Qui jaillit doucement, exhalée par les collines,
C’est le contraste du noir sur le blanc,
C’est ce paysage qui sort du néant
Des brumes épaisses,
C’est ce soleil éteint et sans chaleur,
C’est l’air glacé d’un mois de janvier
Qui touche à sa fin et que février
Fera vite oublier.

C’est cette sourde lourdeur qui ralentit tout,
C’est la lente chute d’un flocon depuis les nues.
C’est l’enfance à portée de main
Et ses combats pilenivéens.

C’est l’air de Bruxelles qui m’est plus respirable.
C’est la vue de toutes ces merveilles
Que ne figera aucune photo
Et qui resteront gravées en moi pendant longtemps.

C’est un rude hiver qui n’a même pas commencé
Et qui finit déjà.

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Lunaire Viginte

La tête dans le ciel, le regard dans les étoiles. La toile de fond est percée de points de lumière. La fascination est grande face à cet infini. Un infini qui se trouve à portée d’yeux. Même un dieu se sentirait peu de chose devant ce très lent ballet stellaire. Alors un homme, sur Terre …
Dans cette immensité, il y a pourtant quelques étoiles qui sont des compagnons. Elles guident les nuits d’insomnie et de contemplation. Elles ne demandent rien d’autre que d’être regardées. En échange, elles offrent un certain réconfort. Un apaisement quasi mystique s’empare de l’homme sidéré. Comme un enfant découvrant un trésor.
Des milliards d’années de silence attendent qu’on les sollicite. Avec une patience toute cosmique, elles cherchent un regard à remplir. Elles fondent alors sur l’imprudent qui les a croisé. Leur silence est une force. S’il existe un peu de son sur Terre, il n’est que perdu dans le fracas muet de l’univers.
Je me sais petit. Et ça me rassure de savoir que dans cet azur assombri, il existe des milliers de corps plus grands que le mien. L’humilité s’impose à moi comme une évidence. Comment se sentir du pouvoir lorsqu’on se rend compte que l’on est rien ? Devant l’anneau galactique, je me sens apaisé. La chaleur du jour laisse la place à une douce fraîcheur. L’estomac digère le repas du soir. La tête en savoure le repos. On se prendrait presque à croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Rien ne bouge.

Ce soir, pourtant, ce calme est rompu fréquemment. La scrutation scrupuleuse de la voûte est récompensée. De temps en temps, une roche vient s’enflammer pour retomber en fine poussière sur la Terre. Comme chant du cygne, c’est une ligne qu’elle trace dans l’espace. Le bref embrasement ravit la vision. Un battement de paupière et tout a disparu. Seul, impossible de savoir s’il s’agissait d’un rêve de quelques secondes ou de la réalité.
Quand une passe, je ne fais aucun vœu. Je me réjouis seulement d’être ici à cet instant, savourant le spectacle. Épuré de toute superstition, elles deviennent superbes. Plus besoin de parler. J’oublie que le monde existe. Il n’existe plus qu’elles. Elles sont seules, les fugaces.

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Désormais, plus rien ne sera à l’image de demain

Voici une nouvelle contribution. Elle est l’œuvre d’un ami et camarade de cours, Laurent Louis-De Wandeleer. Je lui ai proposé d’écrire sur un thème laissé libre. En est sorti un texte qui est dans l’air du temps. Oui, face à ce qui se passe dans le monde entier, on est tenté de croire que le monde tourne en boucle comme un disque rayé. On aime croire que nous nous trouvons à la fin d’une Antiquité et qu’un nouveau Moyen âge est à nos portes. Laurent cite Nietzsche, peut-être parce que sa théorie de l’Éternel Retour a cela de rassurant que malgré le chaos qui semble en découler, on espère y découvrir une vérité suprême. Toujours est-il que pour qui connait un tant soit peu l’histoire, il y a de quoi donner le vertige quand on voit que tout a tendance à se répéter. Une seule consolation : chez l’Homme, tout ce qui se fait se défait, avec le temps.
J’arrête de monopoliser la parole et je vous laisse lire ce billet qui n’est pas de moi : Lire la suite

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