Limbes

Ce n’est déjà plus l’automne. Ce n’est pas encore l’hiver. Les jours raccourcissent pour ne plus être que de courtes périodes de temps entre deux nuits.
Je marchais dans les rues d’Édimbourg, toutes ceintes de pierre grise. Le vent s’engouffrait en sifflant entre les murs de la cité écossaise. J’avais remonté le col de mon manteau jusques à mes oreilles pour mieux me protéger de la tourmente. Mon dos était voûté. Tout mon corps se penchait en avant, luttant de son trop maigre poids pour continuer sur sa lancée, sans savoir où il allait. Il y avait longtemps que j’avais perdu mon chemin, jugeant comme à mon habitude que c’était le plus sûr moyen de trouver une raison de s’émerveiller. « Le voyage est plus important que la destination » me remémorai-je, et « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » ou encore « les surprises n’arrivent qu’aux vivants ».
Mais étais-je alors encore vivant ? Je n’en étais plus très sûr. Lire la suite

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Fireworks

Il y a de ces crépitements dans l’air. Ce sont comme des décharges qui se font entendre à intervalles irréguliers. L’émotion est palpable. Des étincelles dans la bouche. C’est cette même sensation que lorsqu’un orage approche, étendant ses ombres et sa colère sur les terres frémissantes. Pourtant, aussi loin que porte le regard, on ne voit pas le moindre nuage. Il n’y a que les étoiles qui brillent de cet éclat froid d’automne. La lune n’est pas encore levée. Ou déjà couchée. Elle n’existe plus. Elle n’est nulle part. Seule la Nuit est, constellée de points de lumière. De l’autre côté de l’estuaire, une chape de brume couvre l’horizon. On ne fait que distinguer les villes d’en face éclairées qu’elles sont par les lumières artificielles, blanches et rouges.
Le froid a tout recouvert. Dans la lande, le bruissement des bruyères a quelque chose de gelé. Le chemin semble halluciné, comme un rêve à chaque fois renouvelé et pourtant toujours identique. Des vapeurs glissent mollement sur le sol avant de s’élever dans les airs. Les souffles humains s’exhalent en volutes grisées. Le froid alourdit les sons. Pourtant, chaque voix est comme un poignard zébrant le silence glacé. Lire la suite

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Die Lupe

Depuis la fenêtre de ma cuisine, j’observe le théâtre de la rue. Les personnages vont et viennent sans que je sache pourquoi. Pour la plupart, ils ne font que passer. Quelques-uns s’arrêtent à l’arrêt du bus pour embarquer dans cette cage de tôle à deux étages dont le rythme est à peine plus rapide que celui des piétons. Il y a ces étudiants qui prennent leur petit-déjeuner sur le pouce à la cabine rouge du coin du parc. Il y a ces hommes et ces femmes impeccables qui descendent de leur voiture, nourrissent l’horodateur et s’en vont travailler. Il y a aussi des clochards qui ne déjeunent pas, qui fument et qui parlent entre eux, sans se soucier un seul instant de faire l’aumône.
Les rayons obliques du soleil d’octobre ne parviennent plus à réchauffer les passants qui se recouvrent d’une ou deux couches supplémentaires de vêtements. Ils ne prennent plus le temps de flâner. Il est déjà loin, le temps où ils marchaient sans but, juste pour le plaisir de prendre l’air. Le temps des vacances est maintenant fini. Les musiques se sont tues et les touristes sont rentrés chez eux. Édimbourg est redevenue une cité de pierres. Malgré tout, son cœur bat toujours. Il ne s’arrête jamais. Il continue de cogner, comme l’hiver cogne à nos portes. Lire la suite

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Sur la plage

Abandonnée sur la plage,
La langue saline, la longue langue marine
Frôle un bulbe translucide enfoncé dans un cratère.
Nimbé d’écume, c’est une couronne funèbre qui le ceint.
Le dôme palpite faiblement, encore parcouru d’une étincelle
De vie. Déjà le soleil et le sable lèchent la fine membrane
Qui transpire sous la morsure acerbe. C’est un îlot
Pathétique que laisse la marée sur la triste digue.
Et moi, en voyant ce spectacle émouvant,
Je sens monter en moi une vague bleue
Qui m’envahit, m’enveloppe, m’enivre.
Le vent emporte des lambeaux d’or,
Tandis_______Comme______Et moi,
que,__________une__________je
dans_________brume________m’en
le loin,_______courant______reviens
la pluie_______dans le______dans
s’efface_______petit______mon
__enfin._______matin.______Nord.

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