Réflexions politiques

Dans un mois, nous irons voter. Eh oui ! le 25 mai 2014 approche à grand pas. Pour de nombreux pays d’Europe, il s’agit de la date des élections européennes. Mais pour la Belgique, le scrutin a une toute autre importance. En effet, nous allons cumuler élections fédérales (ou législatives), régionales et européennes.
C’est la première fois depuis quinze ans que cette configuration a lieu. Et cela ne se reproduira plus avant dans vingt ans. C’est un peu l’éclipse solaire du monde politique belge. Un évènement rare. Et étrangement, il y a peu de mouvement autour de ces élections.
Personnellement, j’étais un gosse en 1999, mais je me souviens tout de même de cette époque trouble qui a été marquée par l’affaire Dutroux et la crise de la dioxine.

Petite parenthèse nucléaire :
En parlant des élections de 1999, c’est avec le gouvernement arc-en-ciel qu’il avait été décidé de sortir du nucléaire en Belgique. Et en effet, en 2012, le gouvernement Di Rupo annonçait la fermeture de Doel 1 et 2, mais la prolongation de dix ans de Tihange 1. Autant dire que le parti Écolo n’était pas content, surtout qu’une affaire avec EDF a éclaté à l’époque de cette annonce. En outre, dans le contexte de Fukushima, dont l’histoire n’est pas finie, on est en droit de se demander s’il s’agit de la bonne décision à prendre.
Mais le plus inquiétant, dans tout ça, c’est qu’encore une fois, la convention a été signée sans qu’on en sache rien. Ce n’est que quelques semaines après la signature que l’on a appris la nouvelle, grâce à la question d’un député Écolo. Pour la transparence et la concertation citoyenne (surtout que des experts sur la sortie du nucléaire, il y en a des brassées, hein !), c’est pas encore pour tout de suite…
Et puis, quand le site du premier ministre annonce que « Tihange 1 sera prolongée de dix ans, afin d’éviter le risque que 500.000 à 1 million d’habitants ne soient plongés dans le noir à certains moments pendant l’hiver (rapport d’Elia)», on pourrait un peu se demander ce que nos politiques ont fait pendant quinze ans, pour ne pas avoir trouvé d’alternatives au nucléaire satisfaisantes, non ?
Fin de la parenthèse.

Revenons à nos moutons. On se rappelle que fin 2011, après une crise politique sans précédent dans l’histoire de la démocratie (même en Irak, on n’a pas fait mieux), on s’est retrouvé avec un gouvernement comme seuls des Belges peuvent en faire.
Petit instant statistique : dans ce gouvernement il y a un premier ministre (PS), six vice-premiers ministres (2 à gauche (PS et SP.A), deux au centre (CDH et CD&V) et deux à droite (MR et Open VLD)), six ministres (trois à droite (2 MR et 1 Open VLD), deux à gauche (PS et SP.A) et un au centre (CD&V)) et six secrétaires d’État (3 au centre (2 CD&V et 1 CDH), deux à gauche (PS et SP.A) et un à droite (Open VLD)).
Au niveau de la communauté, on a 10 Flamands pour huit Wallons.
Au final, on pourrait se dire qu’avec trois tiers équitables entre gauche, centre et droite et un premier ministre à gauche, le gouvernement serait donc un gouvernement de gauche. Et bien non. En deux ans, les mesures qui ont été prises sont plutôt des mesures de droite. Il faut dire qu’en Flandre, l’électorat est âgé et vote plutôt à droite. Même leur centre est plus à droite que la droite wallonne. Di Rupo n’est après tout qu’une façade. Et il aura payé le prix fort pour sa place de premier ministre, en scindant Bruxelles-Hal-Vilvorde et en promettant des réformes sociales.
Et qu’a-t-il gagné, dans l’histoire ? Pas grand chose. Un regain de popularité auprès des Flamands. La haine des syndicats wallons qui se sentent trahis par les réformes sociales de ce gouvernement. L’impression qu’au final, avec ou sans gouvernement, la Belgique ne bouge pas et que c’est pas plus mal, puisque de toute façon, le système démocratique dans son ensemble a besoin d’une grosse révision.

Enfin, si j’avais envie de prendre la parole aujourd’hui, c’était surtout pour parler des mesures prises par le gouvernement Di Rupo concernant le chômage et les retraites, les deux étant liés. Le gouvernement a réformé les deux : une plus grande dégressivité du chômage d’un côté et un rehaussement de l’âge des pensions de l’autre. Concernant, le chômage, on parle de plusieurs milliers de personnes exclues d’ici 2015. C’est une solution au problème posé : quelqu’un qui est au CPAS n’est plus au chômage. Il y aura donc effectivement des milliers de chômeurs en moins en Wallonie d’ici quelques mois. Oui, d’accord. Mais cette politique ne fait que masquer les symptômes d’une maladie qui reste non-traitée.
D’ailleurs, j’ai comme l’impression que la réforme des retraites, en reculant l’âge de la pension de deux ans annule la réforme du chômage. On l’a vu en France sous Sarkozy : ce genre de mesure bloque des emplois qui pourraient être occupés par des jeunes. Le seul intérêt, c’est que ça permet de rajouter de l’argent dans les caisses de l’État.
Ce qui m’inquiète encore plus, c’est que ces deux réformes n’ont pas fait de remous en Belgique. En France, il y avait eu des manifestations à n’en plus finir. En Belgique, les syndicats ont négocié pour certains secteurs, ont fait des grèves. Le citoyen lambda, lui, ne s’est pas vraiment bougé pour défendre son point de vue. Pourtant, c’est un tournant dans l’histoire politique belge (ou plutôt wallonne) : pour la première fois, on met en place des réformes sociales qui vont, à terme, chambouler notre mode de vie dans les premières années. C’est la fin d’un certain confort social qui n’existait qu’en Belgique.
Déjà aujourd’hui, les effets de cette politique agressive se font ressentir. Hier, dans cette lettre ouverte adressée à Elio Di Rupo, une chômeuse de 32 ans, mère de deux enfants, résume la situation : « vous avez modifié la base du système sans arranger aucun des problèmes qui font que les gens ont besoin de ce système. » Greg avait également mis en avant ce que lui, chômeur, pouvait apporter à la société, tout en étant considéré par celle-ci comme un point statistique dérangeant.

Enfin, de toute façon, il faudrait qu’à terme on arrête de viser le plein-emploi. Je rejoins l’avis de Ploum : il s’agit d’un concept dépassé qui n’est pas en phase avec la réalité du vingt-et-unième siècle. Pour moi (et pour beaucoup d’autres), la solution se trouve dans le revenu de base, qui permettrait de valoriser des activités dites « non-rentables » et changerait la perception que l’on peut avoir de l’oisiveté (qui dans l’Antiquité était considérée comme une valeur essentielle de la société, donnant la possibilité de s’adonner à la méditation). Et ce serait aussi la fin de la stigmatisation de ceux qui n’ont pas de revenus et sont considérés depuis le début de la révolution industrielle comme des « parasites ».

Mais de manière plus générale, les solutions envisagées par les hommes politiques aux problèmes de société semblent de plus en plus souvent déconnectés de la réalité. C’est peut-être ça le plus grave : à cause de cette façon de faire de la politique d’un autre temps, à cause d’un manque de transparence flagrant et à cause de la particratie en place en Belgique, le citoyen se sent trahi par ceux qu’il élit, mais aussi impuissant dans la prise de décision.
Pour terminer, il faut rappeler qu’en Belgique, selon les chiffres de l’OCDE, 82% des jeunes de 25 à 34 ans a son Certificat d’Enseignement Secondaire Supérieur (CESS). Mieux encore : 42 % des jeunes de 25 à 34 a un diplôme de niveau universitaire (page 38 du rapport) ! Notre génération est une génération éduquée, à même de comprendre les subtilités de la politique. De plus, depuis maintenant quinze ans, nous disposons d’outils nous permettant de communiquer dans le monde entier, de chercher l’information dont nous avons besoin et de donner notre avis.
En 2012, 77 % de la population belge avait accès à l’outil révolutionnaire qu’est Internet. Pourquoi, dès lors, continuer de subir les décisions d’un groupe de personnes en s’exprimant seulement une fois tous les quatre ou cinq ans, quand l’on peut s’informer et s’exprimer tous les jours sur le monde qui nous entoure. Le monde change.

Finalement, toutes importantes qu’elles soient, ces élections ne sont qu’anecdotiques, si on les regarde dans la perspective de polycrise que le monde entier vit : crises économique, écologique, alimentaire, etc. et aussi démocratique.

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